La Petite Croisée des Chemins laisse la place à Catherine de Villard pour mettre en scène l’adaptation par Evelyne de la Chenelière d’un classique de Virginia Woolf, Vers le phare. Le livre raconte un soir d’été où Mrs Ramsay gère sa famille avec charisme et autorité. Ses 8 enfants et son mari lui obéissent au doigt et à l’œil, elle exerce sur son entourage un charme fou mais la machine bien huilée va s’enrayer inexplicablement.
Une pièce labyrinthique
Les 2 comédiennes Virginie Bourguet et Stéphanie Pomeau arpentent la petite scène intimiste du théâtre, avec 2 chaises comme simple décor et une harpiste pour distiller une musique d’ambiance aux consonances anxiogènes. Elles semblent d’abord monologuer en parallèle, comme si elles n’étaient pas présentes dans la même pièce. Mrs Ramsay ressemble à une matrone, toujours prompte à sourire pour distiller une image toujours la plus impeccable possible. Sur la même scène, Lilly a des airs de peintre frustrée par sa perpétuelle indécision, bien moins rayonnante que la mère de famille. Est-elle une jeune fille au pair ou une projection fantasmée de la première, la réponse n’est jamais donnée. Des indices sont distillés avec parcimonie, un repas où Mrs Ramsay tient salon avec force sourires contrits, deux prénoms d’enfants qui survolent le récit, et ce phare où l’un d’eux rêve d’aller faire un tour. Alors que les évocations d’un premier conflit mondial se font de plus en plus persistantes, les spectateurs ne peuvent qu’imaginer que le fils ainé Andrew y a combattu et perdu la vie, laissant sa mère éplorée et inconsolable, avec la possibilité d’une mort volontaire qui perce à travers le drap transparent derrière lequel elle passe la fin de la pièce, comme cachée du regard des vivants et des autres protagonistes. La pièce évoque le regard scrutateur des proches et de l’entourage, le poids des conventions sociales et l’intense solitude d’une maitresse de maison forcée à un destin contraire à ses aspirations.
S’est-elle imaginé peintre, ou femme au foyer comblée, les spectateurs n’ont jamais de réponse et ne peuvent que s’enfoncer dans une intense rêverie suscitée par une pièce aussi tragique qu’onirique à découvrir à la Petite Croisée des Chemins jusqu’au 7 avril. A noter que la pièce passera en off à Avignon cet été au Figuier Pourpre pour une possible consécration.
Synopsis:
Une maison au bord de l’océan, des enfants, les vagues qui rappellent le mouvement perpétuel du temps qui passe, un phare comme la promesse d’un jour nouveau et deux femmes aux convictions si différentes.
Madame Ramsay ne voit sa vie qu’au travers de la maternité. Lily ne veut ni enfant ni mari et ne voit le monde qu’au travers de sa peinture. Entre tensions et rapprochements, elles sont pourtant liées par un même désir, trouver un sens à l’existence. L’amour, la maternité, le rapport aux hommes, la création, la mort… Ces deux femmes livrent sans fard leurs doutes, leurs espoirs, leurs pulsions, inavouables, leur regard fort et délicat sur le monde qui les entoure.
Le texte dépeint sur 10 ans des petits morceaux de vie doux – amers comme un écho à notre propre existence.
Détails:
Du 2 mars 2024 au 7 avril 2024
Samedi 19h – Dimanche 17h
La Petite Croisée des Chemins 43 Rue Mathurin Régnier, Paris, France