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Marcial Di Fonzo Bo l’acteur monstre fait revivre Richard III

Marcial Di Fonzo Bo l'acteur monstre fait revivre Richard III
Gloucester time matériau / DR

La recréation du Richard III, mis en scène par Matthias Langhoff en 1995 à l’initiative d’une partie de l’équipe initiale, est un événement à plus d’un titre. La pièce conserve le décor d’origine : un plateau mouvant, incliné, auquel s’accrochent pont-levis et escaliers. Sur ces planches branlantes, manipulées à vue par des poulies poussives, pas moins de cinquante personnages gravitent autour du jeune Richard : reines, courtisans, guerriers, traîtres.

Marcial Di Fonzo Bo qui s’y révélait ce roi en prise directe avec le mal, reprend le rôle et la mise en scène avec Frédérique Loliée. Une récréation à saluer qui permet aux jeunes générations de découvrir un spectacle de référence et à de jeunes acteurs d’y participer.

Le plateau qui s’apparente à une machine de guerre est aussi une machine à jouer, périlleusement et furieusement arpentée. Car le monde est un théâtre et, plus encore que Richard, c’est un monde qui boite et témoigne de sa fureur comme de sa folie. Sa propension au chaos et à l’inhumanité est à l’œuvre 3 heures durant sans aucun répit pour une pièce culte et collector.

Richard III est une pièce de jeunesse. Elle consacre la figure emblématique d’un roi maudit meurtri par l’absence d’amour et une solitude abyssale qui font naître chez lui un profond sentiment d’exclusion et d’humiliation.

Shakespeare à travers cette fresque démoniaque traite de la question du pouvoir et de son ascension aux prises avec des stratégies de séduction et de manipulation. Où le prétendant pour accéder au trône devient la figure du mal absolu, au service d’une ambition machiavélique et sanglante, qui interroge également la force rhétorique du langage et de sa machination, capables d’asseoir un dessein.

Une pièce monstre

Mais la pièce déploie aussi la tragédie d’un homme manipulateur et solitaire qui utilise sa rancœur comme une arme et se sert du ressentiment des êtres qui l’entourent pour alimenter sa propre perversité.

Et dans cette fuite en avant se lit aussi l’imaginaire déjà grotesque de Shakespeare et son goût pour une théâtralité exacerbée. Car Richard use de tous les artifices du théâtre à l’instar de la mise en scène et de son acteur-roi : séduction, manipulation, composition, imprécation, masque et fait de sa conquête du pouvoir un enjeu exaltant, indomptable, divertissant et une démonstration implacable, sarcastique et ravageuse de la radicalité humaine cachée en tout homme.

Dès son entrée en scène, le comédien fait sensation fort d’une aisance et d’un timbre qui font circuler le verbe, offrant en même temps un visage grimaçant ou souriant.

La Famille d’York vient de conquérir le royaume d’Angleterre. Henri VI a été tué, Edouard IV règne. Son frère, Richard de Gloucester, monstre difforme et mal aimé supporte mal cette paix qui s’installe. il en sera donc le trouble-fête vénéneux et tragique. Il entame une sanguinaire marche au trône en faisant assassiner son frère Clarence, puis, son autre frère, le roi lui-même.

Dès lors, plus rien ne l’arrêtera pour se débarrasser de tous les gêneurs – ennemis comme amis -, avec beaucoup de facilité, là où l’ horreur de Richard III n’est pas Richard, mais le résultat d’un processus collectif qui prend aussi ses racines dans sa lignée déjà fratricide.

La mise en scène d’une lisibilité et d’une intelligence parfaites – joue à merveille la carte Shakespearienne avec ses différents degrés de théâtralité qui oscillent entre réalité et fiction, tragédie et bouffonnerie, focalisant des scènes aussi visuelles que puissantes. Le tout porté par une direction d’acteurs exceptionnels.

Dans le pur esprit brechtien dont Matthias Langhoff est l’héritier, il déroule la tragédie selon une lecture à la fois brute et distanciée.

La troupe de jeunes acteurs emmenée par l’incroyable Marcial Di Fonzo Bo passe de rôles en rôles et insuffle à la représentation une énergie enivrante. La réappropriation du texte, du sens et de la langue ainsi que le déplacement des corps toujours en alerte, font de ce Richard III une figure intemporelle.

A partir d’une aire de jeu transformée en arène à ciel ouvert propre au théâtre élisabéthain, à l’abri d’un plateau incliné, un décor baroque et un mélange des époques, elle est un écrin fulgurant et tonitruant à ce théâtre de bruit, de sang et de fureur. Bravo !

Dates : du 12 au 15 mai 2022 – Lieu : La Villette (Paris)
Mise en scène : Matthias Langhoff

NOS NOTES ...
Originalité
Scénographie
Mise en scène
Jeu des acteurs
Si le droit mène à tout à condition d'en sortir, la quête du graal pour ce juriste de formation - membre de l'association professionnelle de la critique de théâtre de musique et de danse - passe naturellement par le théâtre mais pas que où d'un regard éclectique, le rédac chef rend compte de l'actualité culturelle.
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