Accueil Cinéma A l'affiche Pauvres Créatures, un film qui manque sa portée mythologique

Pauvres Créatures, un film qui manque sa portée mythologique

Casting hollywoodien de qualité (Emma Stone, Willem Dafoe, Mark Ruffalo), multiples récompenses (2 Golden Globe, Lion d’or au Festival de Venise 2023 avant un possible triomphe aux Oscars face à Oppenheimer), la pertinence du réalisateur grec Yorgos Lanthimos a réussi à convaincre le tout Hollywood comme l’avait déjà démontré l’Oscar obtenu par Olivia Colman pour son rôle de reine décrépite dans l’excellent La Favorite. A-t-il perdu au passage de son originalité et de son intensité comme on pouvait le craindre?

Un film bancal

Si Pauvres Créatures est un film d’une énorme originalité aux choix scénaristiques forts, voire extrêmes, il ne parvient néanmoins pas à captiver et fasciner autant que ses illustres prédécesseurs The Lobster, Mise à mort du Cerf Sacré et La Favorite. L’héroïne Bella (Emma Stone) est une sorte de Frankenstein au féminin assemblée par le Dr Godwin Baxter (Willem Dafoe) a partir de 2 êtres humains. Génie tourmenté au visage ressemblant à un tableau de Francis Bacon, le médecin est dénué de sentiments et s’intéresse avant tout à la découverte scientifique. Et comme sa créature doit tout réapprendre (bonnes manières, langage, mouvements, capacités réflexives), il est un peu désarçonné face aux réactions surprenantes de Bella. Le parti pris de Lanthimos est iconoclaste, il oriente principalement le processus de découverte et d’apprentissage vers le spectre sexuel, forcément limité. Car la créature est d’abord simpliste, elle aime ou n’aime pas et s’exprime avec cette simple différenciation, et quand elle découvre le plaisir, elle aime beaucoup. Pourquoi pas, c’est un choix scénaristique, sauf que le film se concentre beaucoup (trop) sur cet aspect somme toute limité de la découverte de soi. Emma Stone donne de sa personne pour personnifier une Bella sans pudeur, sans honte, sans traumatisme et sans passé. Le nu en full frontal est (trop) récurrent, les scènes d’accouplement en viennent à remplir (un peu) trop le film qui en perd sa dimension mythologique. Le réalisateur a axé son film sur un aspect féministe et libérateur louable mais en se limitant à cela, il perd beaucoup des éléments qui auraient pu en faire un grand film. Les personnages en deviennent caricaturaux (Mark Ruffalo notamment en personnage jouisseur et ubuesque de Duncan Wedderburn). La satire reste clouée au sol là où elle aurait pu toucher à l’universel. L’ambiance XIXe siècle steampunk avec ses machines volant à la vapeur place le film dans un contexte d’uchronie vraiment original. Bella voyage de Londres à Paris, Lisbonne, Athènes dans des aventures qui la voient se réaliser, souvent avec des rapports sexuels tarifés, rajoutant toujours un peu plus de nu dans un film qui n’en avait pas tant besoin.

Pauvres Créatures a des intentions et de l’ambition mais les partis pris scénaristiques en limitent sa portée en le cantonnant à un propos féministe libérateur qui est forcément limité. Le film risque de mal vieillir, le futur nous le dira. Frankenstein se demandait pourquoi la vie, pourquoi sa création, dans une belle dimension philosophique, la réflexion de Bella devient plus terre à terre avec ses préoccupations sexuelles excessives… le reflet de son époque?

Synopsis: Bella est une jeune femme ramenée à la vie par le brillant et peu orthodoxe Dr Godwin Baxter. Sous sa protection, elle a soif d’apprendre. Avide de découvrir le monde dont elle ignore tout, elle s’enfuit avec Duncan Wedderburn, un avocat habile et débauché, et embarque pour une odyssée étourdissante à travers les continents. Imperméable aux préjugés de son époque, Bella est résolue à ne rien céder sur les principes d’égalité et de libération.

NOS NOTES ...
Originalité
Réalisation
Jeu des acteurs
Plaisir de la séance
Rédacteur ciné, théâtre, musique, BD, expos, parisien de vie, culturaddict de coeur. Fondateur et responsable du site Culturaddict, rédacteur sur le site lifestyle Gentleman moderne. Stanislas a le statut d'érudit sur Publik’Art.
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