(© Charles Duprat / Opéra de Paris)
Opéra-Bastille les 23/27 sept et 1 & 6 octobre 2017 – 3h20 avec entracte
Cette production de Bob Wilson revient pour quelques dates sur la scène de l’Opéra Bastille où son univers hypnotique et immobile font naître un nouveau rapport au plateau, décomposant le temps et l’espace jusqu’à tendre à l’intemporalité.
Avec Pelléas et Mélisande, le drame symboliste de Maurice Maeterlinck qui offrait à Claude Debussy la matière à une composition impressionniste, traversée par une musique qui n’est qu’ondes et frémissements, le grand Bob crée une partition en correspondance parfaite où son inspiration formelle/abstraite (images – lumières – scénographie) et son épure extrême, captent la dimension allégorique, allusive et onirique de l’œuvre.
L’intrigue est celle d’un amour impossible qui s’inspire de la légende médiévale de Tristan et Iseult. Lors d’une partie de chasse, Golaud, prince au royaume imaginaire d’Allemonde, se perd dans la forêt et rencontre Mélisande en pleurs au bord d’une fontaine. Il décide de la prendre pour femme et rentre dans son château sans ne rien connaitre du passé de son épouse.
Mélisande y rencontre Pelléas, le demi- frère de Golaud et très vite ils tombent amoureux l’un de l’autre, d’un amour chaste et innocent, alors que le pays s’enlise dans les conflits et s’obscurcit à mesure que la vie du père de Pelléas s’amenuise dans une chambre du domaine. Geneviève, mère des deux princes, et Arkel, souverain d’Allemonde, pressentent le malheur qui plane, impuissants.
Golaud, s’percevant du lien qui réunit les deux jeunes amants, se consume peu à peu dans la jalousie tandis que son fils, Yniold, né d’un premier lit, devient le témoin et le complice de son supplice.
D’une unité virtuose, la mise en scène immaculée de Bob Wilson s’empare avec un puissant geste pictural de ces visions évanescentes dont les chanteurs/comédiens à la gestuelle inspirée du théâtre nô impriment un jeu millimétré et hiératique
Rongé par le désespoir et la rage, il tue son frère Pelléas et blesse grièvement Mélisande qui s’éteindra, emportant avec elle ses lourds secrets, sans que Golaud ne parvienne à établir la vérité des sentiments qui l’unissaient à Pelléas.
A l’abri en fond de scène d’un à-plat lumineux sur lequel se projettent différents tons au gré des changements de situation et d’affect des personnages, les décors abstraits propres au vocabulaire « wilsonien » apparaissent, se succèdent puis disparaissent.
Le tout orchestré dans un espace aux lignes géométriques qui ouvre ou délimite la perspective et embrasse à merveille le conte métaphysique. Et ses personnages aux prises avec les éléments naturels, opaques du Royaume d’Allemonde où leur inconscient en est le miroir trouble.
D’une unité virtuose, la mise en scène immaculée de Bob Wilson s’empare avec un puissant geste pictural de ces visions évanescentes dont les chanteurs/comédiens à la gestuelle inspirée du théâtre nô impriment un jeu millimétré et hiératique.
L’orchestre de l’Opéra de Paris dirigé d’une main inspirée par Philippe Jourdan et les voix pures à la transparence magnifiée sacralisent l’emprise du drame intemporel emprunte de mystères, de secrètes motivations et de passion inaccomplie.
Quand l’art protéiforme du maître texan rencontre l’écriture debussyste pour une osmose totale.