« Oh… », prix Interallié 2012, désormais disponible en collection de poche Folio (256 pages, 6,80 €), est un roman percutant, dans lequel sa noirceur emprunte d’ironie dévastatrice, se révèle une fois encore jubilatoire.
Philippe Djian dresse un portrait sans concession d’une époque malmenée, la nôtre, où chacun des personnages se débat face à la médiocrité et aux désillusions de la vie avec la meilleure volonté du monde mais dans un cercle intime, familial, social, toujours incertain et donc perturbant.
[…] Un regard ultra contemporain porté sur notre société dont l’humour grinçant de Djian, tapi à l’abri d’une formule assassine ou d’une situation qui n’appartiennent qu’à lui, permet d’en mesurer l’acuité
La narratrice, Michèle, est violée chez elle par un homme cagoulé. De cette agression dont elle se relève sans être blessée, elle préfère la taire et plutôt se préparer à se défendre si son agresseur revient.
Ainsi va la force narrative de l’auteur, qui confronte son personnage principal à une situation extrême et en scrute les ressorts révélateurs d’une singularité, et dans un style très maîtrisé d’une grande fluidité.
Mère divorcée, co-dirigeante d’une boîte de production, elle porte un lourd passé à cause de son père emprisonné pour avoir tué soixante-dix enfants dans un club Mickey lorsqu’elle avait 16 ans.
Elle entretient des relations houleuses avec sa vieille mère qui vit avec un gigolo et doit subvenir aux besoins de son fils en couple avec une femme enceinte dont il n’est pas le père.
Le mari d’Anne, sa meilleure amie et marraine de son fils, est son amant. Michèle ne le supporte plus tout en redoutant, si celle-ci venait à l’apprendre, de perdre son unique amie.
Patrick, le nouveau voisin de Michèle, se montre serviable, et plus, si affinités. Il ne lui déplait pas et elle débute une liaison avec lui jusqu’à ce quelle constate qu’il est en réalité son violeur.
Entre attirance et répulsion, elle se dit que ce n’est plus possible, qu’il faut qu’ils parlent, jusqu’au coup de semonce final aussi inattendu que radical…
Djian se met pour la première fois dans la peau d’une femme à travers son héroïne dont la caractérisation est d’une grande justesse. Complètement raccord avec notre époque, Michèle est libre, intelligente, forte mais seule. Où sa force fragile avec sa part d’ombre la rende d’autant plus attachante et émouvante.
Les hommes qu’il met en scène subissent leur existence dans un lien de dépendance qui en font de grands enfants attardés.
Un regard ultra contemporain porté sur notre société dont l’humour grinçant de Djian, tapi à l’abri d’une formule assassine ou d’une situation qui n’appartiennent qu’à lui, permet d’en mesurer l’acuité…