Préjudice, un film dérangeant d’Antoine Cuypers
Antoine Cuypers réalise son premier long métrage avec Préjudice. Les premières minutes du film sont longues, lentes et déjà pesantes. On ne sait pas trop où veut nous emmener Antoine Cuypers. Mais on comprend vite qu’il s’agit d’un repas de famille et que Cédric, l’un des enfants, n’est pas tout à fait comme tout le monde.
Cédric se sent persécuté, mal aimé, incompris…
L’histoire se situe dans une maison familiale, très bourgeoise, chez les parents et autour de la table. C’est une réunion de famille, un repas de famille demandé par la jeune femme qui a une nouvelle a annoncé à tous ! Puis au fil du repas, qui commence dehors, l’atmosphère devient tellement lourde qu’un orage éclate. Ils rentrent donc tous à l’intérieur. Mais ce n’est pas seulement le temps qui se gâte, mais Cédric, Thomas Blanchard, qui prend la parole alors que tout le monde préfère qu’il se taise. On sent qu’avec lui, tout peut prendre des proportions démesurées. Avec lui, on a peur, on est dans l’angoisse permanente. On le sent imprévisible.
On ne sait pas de quelle pathologie souffre Cédric, si ce n’est une maladie mentale. Peu importe laquelle. L’essentiel est de la gérer, le mieux possible, cette fichue maladie. Et Antoine Cuypers nous fait ressentir quel peut être le quotidien de Cédric, mais aussi celui de son entourage, de ses parents, de ses frère et sœur. Rien n’est facile et pour personne. Cédric se sent persécuté, mal aimé, incompris et veut exprimer sa colère. Pour lui, il n’est pas malade. Ce sont les autres qui sont malades et méchants avec lui. Préjudice développe de façon très fine le ressenti de chacun. Il n’y a pas de vérités, il n’y a que du vécu.
Préjudice, un film vrai, un film qui nous parle, nous interloque et nous dérange.
Bien sûr, on ne peut s’empêcher de penser aux nombreuses familles qui doivent affronter quotidiennement leurs enfants « pas comme tout le monde ». Leur vie ressemble davantage à un calvaire qu’à une vraie vie. Mais le film Préjudice nous dévoile aussi l’autre face de la maladie, celle du côté du malade qui ne se sent nullement atteint, nullement différent et qui ne comprend pas pourquoi on le traite différemment. C’est le cas de Cédric.
Préjudice, un film au cœur du ressenti de chacun où les acteurs excellent, surtout Nathalie Baye en mère définitivement abîmée par la vie qu’elle a eue avec ce fils, ou plutôt à cause de ce fils, mère castratrice. Froide, intransigeante, ambigüe et même cruelle et pourtant mère aimante par ailleurs. Thomas Blanchard, le jeune Cédric, est remarquable de justesse, que ce soit dans ces moments silencieux ou colériques. Tout à fait impressionnant et pourtant son rôle est certainement le plus difficile à jouer. Tous les seconds rôles, Arno, le père qui se veut si discrètement aimant, Ariane Labed, la sœur qui n’en peut plus de souffrir, sonnent très justes aussi. Un film qui nous trouble, qui nous rend spectateur de scènes de famille quasi insupportables mais tellement probables. Préjudice, un film vrai, un film qui nous parle, nous interloque et nous dérange. Bref, un très beau film belge que l’on n’oubliera pas. Dommage que la toute fin du film dérape… Celle-là, on la zappe, volontairement ! Mais ce ne sont que les toutes dernières minutes…
Sortie : le 3 février 2016
Durée : 1h45
Réalisateur : Antoine Cuypers
Avec : Nathalie Baye, Arno Hintjens, Thomas Blanchard
Genre : Drame