Ce spectacle monté par Thomas Ostermeier qui marqua le Festival d’Avignon en 2015, est à (re)découvrir ici sur ARTE Concert jusqu’au 24 juillet 2020. Il est transcendé par le jeu abyssal de Lars Eidinger dans le rôle titre. Habité de toutes les folies à la fois intimes et collectives, il est un astre noir fascinant.
La mise en scène d’Ostermeier – dans une lisibilité, une cohérence et une intelligence parfaites – joue à merveille la carte Shakespearienne avec ses différents degrés de théâtralité qui oscillent entre réalité et fiction, tragédie et bouffonnerie, focalisant des scènes aussi visuelles que puissantes
Richard III est une pièce de jeunesse. Elle consacre la figure emblématique d’un roi maudit meurtri par l’absence d’amour et un handicap physique qui font naître chez lui un profond sentiment d’exclusion et d’humiliation.
Shakespeare à travers cette fresque démoniaque traite de la question du pouvoir et de son ascension aux prises avec des stratégies de séduction et de manipulation. Où le prétendant pour accéder au trône devient la figure du mal absolu, au service d’une ambition machiavélique et sanglante, qui interroge également la force rhétorique du langage et de sa machination, capables d’asseoir un dessein.
Mais la pièce déploie aussi la tragédie d’un homme brisé, honni, et solitaire qui utilise sa rancœur comme une arme et se sert du ressentiment des êtres qui l’entourent pour alimenter sa propre perversité.
Et dans cette fuite en avant se lit aussi l’imaginaire déjà grotesque de Shakespeare et son goût pour une théâtralité exacerbée. Car Richard use de tous les artifices du théâtre à l’instar d’Ostermeier et de son acteur-roi : séduction, manipulation, composition, imprécation, masque et fait de sa conquête du pouvoir un enjeu exaltant, indomptable, divertissant et une démonstration implacable, sarcastique et ravageuse de la radicalité humaine cachée en tout homme.
Dès son entrée en scène, sous les impulsions métalliques de la batterie jouée par Thomas Witte qui tout au long du spectacle ponctue les montées d’adrénaline de cette curée, le comédien fait sensation à l’abri de sa difformité : le dos courbé, le pied-bot et la bosse bien visible. S’accrochant à un micro-caméra suspendu à un câble pour délivrer sur le ton de la confidence son dessein intime et/ou diabolique – trouvaille géniale du dispositif scénique de Thomas Ostermeier – et qui éclaire en même temps son visage grimaçant ou souriant, il est ce soleil noir aussi brûlant qu’attractif
La Famille d’York vient de conquérir le royaume d’Angleterre. Henri VI a été tué, Edouard IV règne. Son frère, Richard de Gloucester, monstre difforme et mal aimé supporte mal cette paix qui s’installe. il en sera donc le trouble-fête vénéneux et tragique. Il entame une sanguinaire marche au trône en faisant assassiner son frère Clarence, puis, son autre frère, le roi lui-même.
Dès lors, plus rien ne l’arrêtera pour se débarrasser de tous les gêneurs – ennemis comme amis -, avec beaucoup de facilité, là où l’ horreur de Richard III n’est pas Richard, mais le résultat d’un processus collectif qui prend aussi ses racines dans sa lignée déjà fratricide.
Et pour incarner la bête immonde au sens propre comme au sens figuré, Lars Eidinger, l’acteur phare de la Schaubühne, où son incarnation à la fois vampirique et séductrice de ce forcené maléfique, nous tient en haleine du début à la fin.
Dès son entrée en scène, sous les impulsions métalliques de la batterie jouée par Thomas Witte qui tout au long du spectacle ponctue les montées d’adrénaline de cette curée, le comédien fait sensation à l’abri de sa difformité : le dos courbé, le pied-bot et la bosse bien visible. S’accrochant à un micro-caméra suspendu à un câble pour délivrer sur le ton de la confidence son dessein intime et/ou diabolique – trouvaille géniale du dispositif scénique de Thomas Ostermeier – et qui éclaire en même temps son visage grimaçant ou souriant, il est ce soleil noir aussi brûlant qu’attractif.
La mise en scène d’Ostermeier – dans une lisibilité, une cohérence et une intelligence parfaites – joue à merveille la carte Shakespearienne avec ses différents degrés de théâtralité qui oscillent entre réalité et fiction, tragédie et bouffonnerie, focalisant des scènes aussi visuelles que puissantes. Le tout porté par une direction d’acteurs exceptionnels.
A partir d’une aire de jeu transformée en arène à ciel ouvert propre au théâtre élisabéthain, encadrée par des escaliers métalliques, et l’utilisation de la vidéo imprimant en fond de scène des nuages qui courent sur une haute façade habillée d’échafaudages d’acier et un envol de corbeaux, elle est un écrin fulgurant à ce théâtre de bruit, de sang et de fureur.