« Trompe-la-Mort », un astre noir gagnant à Garnier
Stéphane Lissner et l’Opéra national de Paris inaugurent au Palais Garnier un cycle de commandes lyriques inspirées de la littérature française. Le coup d’envoi revient au compositeur italien Luca Francesconi qui a écrit le livret et la musique de Trompe-la-mort, d’après La Comédie Humaine d’Honoré de Balzac. Une entrée en lice réussie.
L’opéra tourne autour du personnage sulfureux et protéiforme de Vautrin, alias Jacques Collin, alias Carlos Herrera, alias Trompe-la-Mort, figure noire et machiavélique par excellence qui n’a rien perdu de son actualité. Laquelle traverse pas moins de trois romans de La Comédie Humaine : du Père Goriot à Splendeurs et misères des courtisanes en passant par Illusions perdues.
Elle est le fil de rouge de la construction balzacienne qui interroge à travers elle, la question du pouvoir et de la manipulation où duplicité et faux-semblants investissent toutes les sphères de la société.
Vautrin sous l’identité de l’abbé espagnol Carlos Herrera, tombe sur le jeune et beau Lucien de Rubempré qu’il convainc de ne pas se tuer et passe avec lui un pacte faustien : Lucien aura la richesse, le pouvoir, le succès, s’il lui obéit en tout.
Niveaux parallèles
Le pacte identitaire scelle dans une fuite en avant aussi implacable que macabre, les noirs desseins de Trompe-la-Mort et, au delà, la subversion de tout un ordre social et économique.
Sur la plateau, quatre niveaux parallèles scrutent la figure du drame : le premier étant le bal, l’aristocratie, les salons où Lucien essaye de faire carrière ; le deuxième est l’envers du décor avec les machinations ; le troisième est le voyage initial d’Herrera alias Vautrin et de Lucien en calèche avec la scène initiatique du pacte, qui vient s’insérer tout au long de l’opéra comme un flash-back intermittent, créant une sorte de court-circuit temporel. Enfin, un quatrième niveau, au sous-sol, d’où tout provient inexorablement, force obscure et transgressive : les sous-sols du théâtre lui-même. La face cachée du monde.
Un vertige d’images
La mise en scène du Belge Guy Cassiers orchestre d’un geste puissant et fragmenté la mise en abyme qui se joue. Où à partir de colonnes vidéo qui montent et descendent, se reproduisent dans un vertige d’images à l’instar d’un kaléidoscope, tantôt les ors des salons de l’Opéra Garnier pour figurer les bals mondains, tantôt les sous-sols du théâtre pour illustrer les manipulations à l’œuvre de Vautrin.
Brillamment dirigée par Susanna Mälkki, la partition tonale de Luca Francesconi se révèle riche et expressive. Cyrille Dubois, Julie Fuchs et Béatrice Uria-Monzon tiennent leur rang sans réserve emmenés par le formidable Laurent Naouri.
Dates : du 16 mars au 05 avril 2017 l Lieu : Palais Garnier (Paris)
Metteur en scène : Guy Cassiers