Programmée tous les mercredis et les jeudis à 19h au théâtre de la Contrescarpe, la pièce imaginée par Albert Camus et publiée chez Gallimard en 1956 retrouve une nouvelle jeunesse avec l’excellent Stanislas de la Tousche dans le rôle de Jean-Baptiste Clamence avec la mise en scène inventive de Géraud Bénech. Quelques accessoires bien trouvés permettent d’insuffler un vrai rythme à un monologue qui remet en cause les certitudes sur une vie réussie. La pièce montre bien que le blanc est noir, que le noir est blanc, et rien n’est acquis à l’homme, ni sa force, ni sa faiblesse ni son coeur.
Camus porté en majesté
Ce qui est considéré comme le dernier grand récit d’Albert Camus est un véritable réquisitoire contre les fausses certitudes de l’homme moderne. Avec un art consommé du mot et du verbe, l’auteur nobelisé remet en cause la réussite professionnelle, la reconnaissance collective et les conquêtes amoureuses en soulignant bien la vanité constante des choses, les flagorneries jamais entendues et tout ce qui construit l’édifice du vaniteux du XXe siècle. Un quidam visiblement imbu de lui-même si on tient compte de sa prolifique et inarrêtable faconde s’adresse à un inconnu dans un bar miteux d’Amsterdam nommé Mexico City. Ce rade dérisoire est le dernier royaume d’un mondain parisien échoué là suite à une disgrâce personnelle. Après un torrent de fleurs jetées sur son oeuvre de grand homme et de bon samaritain, le masque tombe et la véritable personnalité, longtemps autant cachée qu’ignorée, refait surface. Jean-Baptiste Clamence avoue ses travers et se définit comme un juge pénitent qui s’accuse soi-même afin de pouvoir devenir juge des autres. Le comédien rivalise de procédés oratoires pour coller au texte de Camus tout en prenant des libertés surprenantes, comme ce moment charnière où le personnage entend un corps tomber dans l’eau sans savoir sauver cette personne à la dernière extrémité de sa vie. Le moment où tout bascule passe sur un magnéto qui fait défiler une bande qui accompagne le comédien tout du long du spectacle. Avec une canne à pêche, il signifie son désir de sauver autrui, avec une ballerine, il figure ses conquêtes féminines, un miroir symbolise un côté sombre où des personnages démoniaques apparaissent. Là où la fête occupait l’existence d’un homme imbu de lui-même, le spectacle de la déchéance personnelle le fait descendre de son piédestal et se rendre compte de l’égoïsme de sa condition. Le texte, la mise en scène et le comédien sont au diapason pour faire réfléchir les spectateurs sur la force intrinsèque d’un texte essentiel de la littérature française.
Après de nombreuses présences à d’autres adaptations de ce texte de Camus, force est de constater que celle-ci est au-dessus du lot. Parfaitement interprété avec un texte déclamés au cordeau, La Chute redevient ce texte essentiel à lire et relire pour se donner une bonne dose de modestie et d’humilité. De quoi croire aux valeurs de justice et de responsabilité en mettant à distance les mirages de la société capitaliste, le bon moment pour revoir cette pièce tous les mercredis et jeudis soir de Juillet au Théâtre de la Contrescarpe à Paris!
[…] PUBLIK’ART “Le texte, la mise en scène et le comédien sont au diapason. Après de nombreuses présences à d’autres adaptations de ce texte de Camus, force est de constater que celle-ci est au-dessus du lot. Parfaitement interprété avec un texte déclamé au cordeau.” Lire l’article […]