Une écrivaine de légende revit sur la scène du Lucernaire avec Françoise par Sagan
Caroline Loeb devient littéralement Françoise Sagan sur la scène du Lucernaire. Avec sa perruque à la forme si caractéristique, elle ajoute une voix trainante et saccadée pour parfaire sa composition. Pendant 1h10, elle monologue en reprenant des textes d’interviews qui l’ont fait se dévoiler, avec son inimitable humour, sa candeur charmante mais aussi sa triste lucidité. Le spectacle se situe entre la la sincérité recluse et la confession sans fard, et il passe comme un souffle d’air chaud dans la salle tant le public est conquis.
Un spectacle écrit et interprété par une Caroline Loeb au sommet
La jeune génération ne sait certainement que peu de choses au sujet de celle qui créa le scandale en 1954 à la sortie de son premier ouvrage Bonjour Tristesse alors qu’elle n’avait que 18 ans. Le succès commercial est à la hauteur du scandale suscité par un ouvrage où l’héroïne de 17 ans couche avec un garçon sans en être amoureuse et sans tomber enceinte. On a peine à croire le cataclysme provoqué dans une époque encore enserrée dans les carcans surranés de l’après guerre, même l’église s’effarouche alors vertement au sujet de cet ouvrage iconoclaste et libertaire avant l’heure. C’est surtout le début d’une richesse inespérée pour celle qui brula la vie par les deux bouts, vivant la nuit, s’adonnant aux excès jusqu’à finir ruinée, seule et désenchantée. Le spectacle expose les points de vue atypiques de celle qui était issue de la bourgeoise provinciale et n’aimait ni la vulgarité ni la trivialité. La comédienne fait revivre celle qui disparut en 2004 pour un parti pris forcément subjectif. Pas de mentions de l’addiction à la blanche ni aux démêlés avec le fisc, le spectacle préfère privilégier les partis pris piquants plutôt que les scandales de magazines, et pourquoi pas. Nommé aux Molière 2018 dans la catégorie Seul en scène, Françoise par Sagan hypnotise le public pendant un peu plus d’une heure. La mise en scène volontairement dépouillée d’Alex Lutz laisse toute la place à la personnification du Charmant petit monstre comme l’appelait François Mauriac. Même si tout le monde se doute qu’elle jouait plus qu’elle ne se livrait pendant les entretiens, une petite musique ressort du spectacle, comme dans les ouvrages pas du tout datés et toujours d’actualité. Avec des phases comme L’amour c’est parler avec quelqu’un ou le temps ne s’écoule pas de la même manière le jour ou la nuit, on se doute que le spectacle parle autant à l’intellect qu’à la sensibilité de chacun. Car Sagan était une grande sensible, forcément humaine avec tout ce que l’expression comporte de maladresse.
Françoise par Sagan subjugue par l’interprétation de Caroline Loeb. Elle devient l’écrivaine sur scène, son naturel convainc complètement et l’élocution donne l’impression de voir réapparaitre la grande dame disparue sur scène. Un spectacle à découvrir absolument jusqu’au 12 janvier.
Dates : jusqu’au 12 janvier 2019, à 19h du mardi au samedi
Lieu : Le Lucernaire(Paris)
Metteur en scène : Alex Lutz
Avec : Caroline Loeb