Une filiation en héritage sous le regard enlevé d’Igor Mendjisky
Igor Mendjisky refait le film et revient sur les traces de son père. Entre fiction et réalité, une quête de soi qui passe par le deuil et une incontournable renaissance. Une réussite.
Pour créer cette fiction, le metteur en scène et comédien s’est inspiré librement de son histoire personnelle et de celle de son père, artiste peintre et escroc bonimenteur dont la démesure, la guerre et la résistance ont forgé un art de vivre.
La mort du père fait alors éclater le trouble du mensonge à l’intérieur d’une famille où la cassure ressentie par chacun des enfants à travers l’image de ce père fantasque et flamboyant, se trouve questionner.
Un souffle poétique et baroque
Comment faire avec cet héritage matériel et immatériel ? En trois parties empreintes d’un souffle poétique et baroque indéniable, dans une forme aussi singulière qu’impétueuse orchestrée par Igor Mendjisky, un fils affronte la part d’ombre de cette filiation, là où le lien filial, indépassable, tente de transcender la trahison.
À Moscou, un jeune réalisateur se lance dans le tournage d’un film sur l’existence de son père et se retrouve rattrapé par ses démons. De qui est-il vraiment le fils ? Comment peut-il encore aimer ce père qui l’a trompé ?
Qui était cet homme affabulateur laissant derrière lui des créanciers et la vente de tableaux de maîtres n’ayant jamais existé ? Jeune résistant ayant vu son frère être fusillé, graveur chez Picasso, faussaire sorti de prison, arnaqueur de haut vol, artiste peintre exposant dans le monde entier.
Un rythme captivant
Igor Mendjisky tente de démêler le vrai du faux ou plutôt de comprendre ce qui se joue entre les deux. Entre affrontements qui opposent la fratrie et flashbacks qui touchent au plus profond, la mise en abîme accompagne les fêlures de l’âme. La scène se peuple des images du passé et du père disparu. Et devient ce lieu imaginaire, où l’on peut rejouer sa vie. Rattraper le temps perdu, dévoiler ce qu’on n’a jamais osé dire, et se libérer de cette incompréhension abyssale.
A l’abri d’une mise en scène très vivante avec sur écran des projections vidéos ainsi que quelques intermèdes musicaux, se déploie le puzzle de cette histoire familiale complexe.
Avec des scènes d’anthologie dont le tableau final (à découvrir) et un décor minimaliste qui s’inscrivent parfaitement dans une écriture de plateau, chacun fait entendre ses contradictions, ses doutes et sa quête de vérité.
Et dans cette traversée, les acteurs – emmenés par Igor Mendjisky dans le rôle du fils réalisateur qui se montre à la fois poignant de fébrilité et de fragilité mêlée – sont formidables d’incarnation et d’une juste distanciation : Raphaèle Bouchard, Pierre Hiessler, Guillaume Marquet, Hortense Monsaingeon, Juliette Poissonnier, Esther Van den Driessche, Jean-Paul Wenzel, Yuriy Zavalnyouk. Bravo !
Dates : 3 au 19 novembre 2022 – Lieu : Théâtre des Bouffes du Nord (Paris)
En tournée : 26 novembre 2022 au Théâtre de Saint-Maur
11 au 15 janvier 2023 aux Célestins – Théâtre de Lyon
Ecriture et mise en scène : Igor Mendjisky
Mystère et fiction d’une histoire incroyable aux multiples facettes d’un homme doué et bonimenteur que j’ai bien connu pour l’avoir exposé il y a 40 ans …
Igor Mendjisky, un cri dans la tourmente, mérite votre attention !