Les Verticaux de Romaric Sangars, une attaque contre la société moderne (Ed. Léo Scheer)
Les Verticaux est un cri de révolte, une alarme, un jugement accablant, un aveu de dégoût et un pilonnage littéraire contre la société « consumériste » et « parodique » d’aujourd’hui. L’auteur ne met pas de gants pour la dénoncer, au contraire, ses mots sont de l’acide avec lequel il voudrait dissoudre nos modes de vie et de penser. Mais les mots n’ont pas cette portée ou si rarement surtout s’il s’agit d’un premier roman. En effet, Romaric Sangars, critique littéraire, s’est pour la première fois coiffé du chapeau de romancier. Un « passage à l’acte » de bon augure pour cet auteur engagé qui avait tout de même déjà écrit un essai impertinent et accusateur intitulé Suffirait-il d’aller gifler Jean d’Ormesson pour arranger la gueule de la littérature française ?
Retrouver un sens à sa vie et à ses mots
Vincent Revel est un journaliste désabusé et un écrivain raté. Sans goût pour grand-chose si ce n’est l’alcool, la cigarette et les terrasses de café et incapable de finir un livre à la hauteur de ses ambitions, il se complaît dans une indolence morne sans force pour en changer. Deux rencontres vont le ramener à la vie. Emmanuel Starck et Lia Silowsky, deux caractères hors du temps, sublimes et inquiétants qu’il va aimer et avec qui il va partager un bout de chemin. Ensemble, ils vont littéralement s’insurger contre la société : vandaliser, brûler, malmener plusieurs symboles d’aujourd’hui en guise de protestation. Contre la publicité, contre les multinationales aux poches remplies, contre le matérialisme…
C’est un brûlot donc mais aussi un hymne à la vie, à la vie autrement. Chez les lecteurs pourront naître deux types de réactions : du dégoût qui s’achèvera par la fermeture sans ménagement du livre ou une réflexion intense sur les fondements de notre façon de vivre. Parce que Romaric Sangars de la première à la dernière page de son roman, accuse le déclin débilisant de notre société et cherche un nouveau sens à nos actes. Il a pour cela un style particulier constellé d’aphorismes et de phrases bien senties. Au sujet de la dérive d’une femme : « elle était perdue Loreley mais suffisamment inconséquente pour ne pas en souffrir » ; de l’alcool : un « sabotage éthylique de sa conscience » ; du destin : « la providence comble ceux qui exigent tout d’elle »… Et tant d’autres encore qui illuminent le texte d’une réflexion poétique et concise.
Mépris et extrémisme
Les propos transpirent le mépris pour la société moderne
Vincent Revel, le protagoniste, s’enfonce au fur et à mesure des pages dans un extrémisme anti-sociétal. Simultanément, la vie prend pour lui des teintes nouvelles et exaltantes. C’est donc un autre chemin de vie que propose Romaric Sangars à ses lecteurs mais il le fait avec une pointe de mépris. Dans son style d’abord, travaillé, très travaillé. Trop. Empruntées, précieuses et précises, ses phrases sont au-dessus de la mêlée littéraire de la rentrée certes mais à force de les « limer« , de les sculpter, son ouvrage semble surfait, et les pensées des personnages sonnent faux. Un roman n’a-t-il pas besoin de tomber dans l’ordinaire d’une discussion anodine et sans intérêt pour enrober des fulgurances qui n’en seront que plus belles ? Quant aux propos, ils transpirent le mépris pour la société moderne. C’est un rien dommage parce que, même en s’accordant avec l’idée d’une dérive du siècle, le ton et la violence empêchent d’y adhérer complètement. Et en même temps, comment se faire entendre autrement ? Ne parle-t-on pas davantage des Femen que du Collectif national pour le droit des femmes.
Mais finalement, la plus grande question que pose Les Verticaux c’est celle de l’identité de son auteur. Vincent Revel, ce journaliste antipathique, n’a-t-il pas récupéré une partie de sa personnalité ? Romaric Sangars cache-t-il dans ses mots une douleur et une haine qu’il ne sait pas comment exprimer autrement ? L’idée d’attentats moraux mise en application par le protagoniste n’est-elle pas quelque chose qui l’attire également ? C’est probable. C’est probable que Romaric Sangars vive assez mal le temps présent et qu’il se retourne souvent sur un passé plus noble mais plus là.
Une belle lecture qui provoquera un tas de remous et allumera peut-être une étincelle contestataire.
Date de parution : le 24 août 2016
Auteur : Romaric Sangars
Editeur : Léo Scheer
Prix : 17 € (228 pages)
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