Trahisons ou le triangle amoureux déconstruit
Harold Pinter se télétransporte sur la scène d‘A la folie Théâtre dans une adaptation enlevée et dynamique de ses Trahisons. Un homme, sa femme et l’amant dans le placard, les relations entre les 3 personnages sont présentées à rebours, de la découverte de l’adultère jusqu’à la rencontre de la femme avec son amant. Une chronologie inversée qui met à nu les apparences, les travestissements et les compromissions.
Prix Nobel 2005 de littérature, le dramaturge et écrivain britannique Harold Pinter n’a cessé de révéler les petits travers humains dans ses oeuvres. En 1977, un scandale éclat quand Harold Pinter divorce pour s’établir avec une autre femme. Sa pièce Betrayals (Trahisons, 1978) se serait inspirée de cette liaison, bien que ce soit plutôt une idylle avec une présentatrice télé qui soit plutôt à l’origine de cette histoire. Harold Pinter a mis beaucoup de lui dans ces personnages stoïques qui vivent les révélations de la duplicité humaine avec flegme et recul. Les 3 acteurs font partie du collectif Le Point Zéro. Hakim Djaziri, Séverine Saillet et Fabien Leca rivalisent de talent pour animer la mise en scène épurée de Carole Proszowski. 4 cubes lumineux deviennent tour à tour canapé, table ou chaise sur les 9 années de l’intrigue, mues par des acteurs caméléons qui se travestissent tout du long tout en gardant leur constance.
Le vaudeville se fait jeu de dupes entre des personnages stoïques par le devant et enragés à l’intérieur. Des chorégraphies de danse frénétiques lient les différentes parties de la pièce comme autant de témoignages des colères rentrées en opposition avec les faciès inexpressifs des rapports sociaux. L’amant et le mari sont des amis de toujours, compliquant d’autant le jeu des apparences et les stratagèmes pour cacher la liaison à un mari pas si ingénu que ça. L’adultère se transforme en mascarade sociale, révélant tous ces petits travestissements qui composent le costume social. Des musiques diverses composent les évolutions des personnages, de la suavité d’Elvis Preisley jusqu’à la rage des Beastie Boys. Les acteurs se mettent à nu en se départissant de leurs masques, en alternance avec leurs éreintants postures de statues sociales.
Un moment de théâtre profond à découvrir au plus tôt à A la folie Théâtre. Puissance des acteurs, acuité de la mise en scène et douce ironie du texte forment un beau ménage à trois. De quoi faire s’élever l’éternelle histoire de l’amant dans le placard vers un niveau quasi philosophique.
Dates : Jusqu’au 25 juin 2016
Lieu : A la folie Théâtre
Metteur en scène : Carole Proszowski
Avec : Hakim Djaziri, Séverine Saillet, Fabien Leca