2 comédiens en état de grâce au Lucernaire dans la pièce Il y aura la jeunesse d’aimer
Une scène dépouillée avec deux comédiens juchés sur leurs sièges, les voix et les expressions transmettent des émotions avivées par des textes tour à tour émouvants, comiques et érotiques de Louis Aragon et Elsa Triolet. L’économie de moyens sert avant tout les textes, la poésie côtoie les scènettes en duo pour plus d’1h45 de fascination chez un public aussi envouté que discipliné. Ariane Ascaride et Didier Bezace envoutent l’audience pour transmettre une émotion aussi vive que vibrante.
Une pièce sans artifices
Le face à face entre les comédiens et le public est permanent. Les textes se suivent dans une farandole émouvante et les connaisseurs d’Aragon reconnaitront des moments illustres de son oeuvre. Un extrait d’Aurélien avec la mystérieuse Bérénice (qu’il trouva d’abord franchement laide), des poèmes éternels (L’avenir de l’homme est la femme, elle est la couleur de son âme), la pièce enchantera d’autant plus que vous êtes sensibles à la magie de l’assemblage des mots et de la langue française. Pour les hermétiques, le spectacle pourra sembler un peu long, pour les autres il passera dans un souffle. Ariane Ascaride et Didier Bezace manient les mots avec une dextérité admirable pour un hommage majuscule au talent des deux écrivains. Susurrant tour à tour les écrits éternels de deux auteurs majeurs du XXe siècle, les comédiens rappellent sans le dire qu’Elsa Triolet fut la première récipiendaire féminine du Prix Goncourt avec son recueil de nouvelles Le premier accroc coûte 200 francs. La comédienne et le comédien jouent dans une connivence finement ciselée, se renvoyant des déclarations pleines de charme pour rappeler l’amour qui unit Aragon et Elsa durant 52 longues années. Les paroles passionnées déchirent le coeur des spectateurs, évoquer les liens qui unirent deux êtres avec des mots aussi justes qu’enflammés ne peut que toucher la corde sensible de ceux qui admirent les amants célèbres. Ni les élans du coeur ni les crises orageuses ne sont passées sous silence dans un spectacle qui devient surtout un bel hommage à deux amants terribles de la littérature française du XXe siècle. Ariane Ascaride n’hésite pas à prendre des poses théâtrales pour figurer à l’occasion le mécontentement outré ou la fatalité inévitable de la disparition prochaine. La voix chaude et profonde de Didier Bezace exploite à merveille l’art de compter de l’auteur mythique. Leur assemblage semble une évidence tant ils font constamment honneur à l’héritage culturel de leurs glorieux ainés.
Le duo de comédiens enchante dans un spectacle tellement acclamé au final qu’il n’échappe pas à un bis bien mérité pour admirer quelques minutes de plus leur art de la déclamation. Le spectacle est un beau moment de théâtre à découvrir au Lucernaire jusqu’au 2 décembre!
Dates : du 31 octobre au 2 décembre 2018, du mardi au samedi à 21h, le dimanche à 18h
Lieu : Le Lucernaire(Paris)
Metteur en scène : Didier Bezace
Avec : Ariane Ascaride, Didier Bezace