3 Billboards Les panneaux de la vengeance ou l’Amérique à la croisée des chemins
3 Billboards Les panneaux de la vengeance débute comme tant d’autres films américains qui ne dépassent pas le stade de la lutte des opprimés contre un système répressif stérile ou la combat du bien contre le mal. Là où des héros démunis doivent souvent batailler contre le système pour obtenir justice et se faire entendre dans un type d’intrigue séduisant mais maintes fois répété, 3 Billboards transcende le genre du film social américain en brouillant les pistes après une première heure lambda pour s’aventurer dans les territoires de l’anormal et du surprenant. Le réalisateur ose bousculer le spectateur, et celui-ci le lui rend bien.
Un film sans barrières
3 Billboards commence sur les chapeaux de roue. Mildred Hayes (toujours combative mais pas forcément originale Frances McDormand) veut louer 3 panneaux d’affichage pour dénoncer l’inefficacité de la police locale suite au viol et au meurtre de sa fille toujours non résolu 9 mois après les faits. Le spectateur pourrait craindre un énième film où un individu esseulé doit bousculer le système pour se faire entendre mais le film choisit de ruser pour transformer ses personnages de prime abord caricaturaux tout au long d’une intrigue qui multiplie les surprises. Située en plein coeur du Missouri, dans un midwest souvent dépeint sous l’angle de l’Amérique White Trash oubliée, l’histoire joue avec les stéréotypes pour mieux les dépasser. Les flics blancs sont-ils juste racistes ou bien enfermés dans un régime dont ils ont peine à s’extraire? L’héroïne est-elle au dessus de tout soupçon, elle qui interpelle la police locale sans vraiment faire son examen de conscience? Le manichéisme habituel est dépassé dans un film qui, s’il ne surprend pas par sa mise en scène classique voire routinière, innove de manière significative sur le plan des personnages. Woody Harrelson et surtout Sam Rockwell interprètent des policiers loin des canons habituels, chacun dans son genre, mention spéciale au second qui donne au film toute sa saveur perverse avec une violence interne qui explose à l’occasion. Pas de Deus ex-machina dans un film où le scénario choisit les chemins de traverse pour montrer toute la complexité de l’être humain.
Trump, où es tu?
Il n’est pas surprenant de voir arriver 3 Billboards un an après la prise de pouvoir de Donald Trump. Pas de meilleure manière pour montrer que tout n’est pas tout blanc ni tout noir en Amérique et que s’arcbouter sur des préjugés n’aide en rien les choses à avancer dans le bon sens. Dans un film où la famille américaine est bousculée tout du long, le réalisateur de Bons Baisers de Bruges et Seven Psychopaths passe un cap en conservant son humour pince-sans-rire pour l’adjoindre à un contexte social qui fait sens. Les 3 personnages principaux sont entourés d’une ribambelle de seconds rôles comme Peter Dinklage sorti de Game of Thrones. En plaçant dans son film une proportion infime d’acteurs de couleur, Martin McDonagh illustre la complexité d’une Amérique blanche pas dénuée de parts d’ombres, bien au contraire. Et quand une référence à l’intervention en Irak finit de noircir le tableau, il ne reste plus grand chose pour donner de l’espoir, si ce n’est la réconciliation d’ennemis supposés mortels qui donne encore plus de sel à ce film à part dans le cinéma américain.
3 Billboards est un vrai choc de cinéma qui marque le début de l’année 2018. Si vous avez peur a priori de voir un film social américain semblable à tant d’autres, détrompez vous, la surprise n’en sera que plus belle.
Après des mois sans que l’enquête sur la mort de sa fille ait avancé, Mildred Hayes prend les choses en main, affichant un message controversé visant le très respecté chef de la police sur trois grands panneaux à l’entrée de leur ville.
Sortie : le 17 janvier 2018
Durée : 1h56
Réalisateur : Martin McDonagh
Avec : Frances McDormand, Woody Harrelson, Sam Rockwell
Genre : Drame, Comédie
https://www.youtube.com/watch?v=P0Z7KE1L4PE