Anomalisa, film de Charlie Kaufman et Duke Johnson
Anomalisa est un véritable OVNI cinématographique. Des personnages en mousse sont filmés en stop motion, comme pour Wallace et Gromit. Avec Charlie Kaufman et Duke Johnson à la barre, le film vogue en pleines turpitudes, avançant au rythme de l’escargot au galop et perdant bon nombre de spectateurs en route. Le film se retrouve perdu dans la tempête intérieure du héros, manque de couler et se termine sur une pirouette. Le voyage en vaut-il la peine ?
Anomalisa ou la quadrature du cercle au carré
Le héros Michael Stone semble plongé dans d’insondables tourments intérieurs. En voyage d’affaires à Cleveland, il repense à une ancienne petite amie quittée brutalement 10 ans auparavant. Il la recontacte et la vexe maladroitement. Sa rencontre avec une auditrice d’une de ses prochaines conférences semble être un très bon moyen de repartir de zéro. Mais les idées se bousculent dans sa tête, sa confusion le paralyse, il s’effondre sur lui même.
Charlie Kaufman est un mystère. Chacun de ses films laisse perplexe, interpelle, ennuie ou fait jubiler. Ce qui est certain, c’est qu’il ne fait aucun effort pour aller vers le spectateur. Ce dernier doit se débrouiller et trouver son chemin comme un grand dans le labyrinthe intérieur de l’esprit de Kaufman. Quand il scénarise un film, ce n’est déjà pas simple, mais quand il est à la barre, c’est mission suicide. Les fans de films barrés se souviendront avec émotion des totales réussites qu’étaient Dans la peau de John Malkovitch, Eternal Sunshine of the Spotless Mind ou Confessions d’un homme dangereux. Dans les mains de respectivement Spike Jonze, Michel Gondry et George Clooney, les scénarios sont devenus de vraies pépites cinématographiques, de celles que l’on regarde indéfiniment en étant certain de pouvoir y ressentir de nouvelles émotions. Sans assurance d’éviter le possible naufrage comme pour les ratés Adaptation et Human Nature.
Anomalisa manque de tout ce qui peut composer un film. De rythme, de variété, de trame.
Le scénariste tordu se change en réalisateur et… il y a de quoi être perplexe. Anomalisa manque de tout ce qui peut composer un film. De rythme, de variété, de trame. La première heure est un calvaire que le dénouement sauve en partie. Sans avoir de réponses claires. Le héros est tourmenté – on le saura – il a des difficultés pour communiquer et exprimer son empathie, il fait des cauchemars comme expression de son mal être intérieur – pourquoi pas – il cherche de l’aide chez autrui en pure perte, admettons. Les personnages en mousse semblent cruellement humains, prêts à s’effondrer à chaque instant. C’est métaphorique. Michael Stone souffre d’une dépression carabinée que le poids des responsabilités professionnelles et parentales n’aide pas. Il a l’espoir de retrouver ses moyens… avec une éternelle déception à l’arrivée.
Charlie Kaufman est-il déprimant ? On pourrait le penser. Ses scénarios suivent une même piste, paranoïaque et remplie d’insécurité. On ne lui en voudrait pas de se renouveler un peu, histoire d’éviter la perpétuelle impasse à l’arrivée… Cet Anomalisa est-il un incontournable de la semaine ? Il y a de quoi en douter…
Sortie : le 3 février 2016
Durée : 1h31
Réalisateur : Charlie Kaufman, Duke Johnson
Avec les voix de : David Thewlis, Jennifer Jason Leigh, Tom Noonan
Genre : Stop motion