Apprentice ou la difficile quête de la paix intérieure
Apprentice évoque avec sobriété la quête d’un homme pour retrouver son passé. Le réalisateur singapourien Boo Junfeng introduit sa caméra dans le couloir de la mort et suit un bourreau en paix avec lui même et un apprenti aux motivations mystérieuses. Un film indolent et fascinant qui se laisse le temps de l’introspection au risque de l’ennui.
Le concept du film interpelle dès les premières images. Le héros Aiman officie dans une prison singapourienne de haute sécurité et l’ordre est de rigueur. Pas un mot plus haut que l’autre, la discipline est respectée à la lettre. Un autre monde, celui où un papier de chewing-gum laissé par terre fait risquer des coups de canne. Le châtiment corporel est très répandu à Singapour, même pour des délits considérés comme mineurs dans les pays occidentaux. Loin d’être anodin et pratiqué par des bourreaux spécialisés qui se relaient tous les 6 coups, chaque coup de canne laisse une plaie d’un centimètre de large sur les fesses du condamné. Inutile de dire que la peine de mort est également en vigueur dans sa forme la plus traditionnelle : la pendaison. Avec là aussi des bourreaux spécialistes.
Le bourreau en chef du film, Rahim, vise l’efficacité et l’absence de souffrance. Car une pendaison mal effectuée occasionne une horrible agonie pendant de longues minutes. Quand il prend Aiman sous son aile, il dispense son savoir méticuleusement, lui apprenant les ficelles du métier. Le film révèle en parallèle son passé, ce père qu’il n’a pas connu et les motivations supposées pour cette intimité recherchée avec Rahim. Si le film ne dévoilera jamais le bien fondé ou non de la mort du père, il insiste surtout sur les tourments du fils. La quête de vérité est un parcours semé d’embuches, surtout quand les sentiments embrument l’esprit. Apprentice laisse beaucoup de portes ouvertes sans apporter de réponses. L’accent est mis sur l’indécision de l’apprenti et son incapacité à l’action. Face à un bourreau qui semble ne faire que son métier sans remise en cause ni introspection, le malaise n’en est que plus éprouvant.
Un film perturbant pour son absence de parti pris sur la peine de mort. Le sort des condamnés à mort passe au second plan, faisant oublier la question cruciale de la sentence. Ni le bourreau tranquille ni l’apprenti tourmenté ne remettent en cause le principe. N’est-ce pas là la plus grande réussite du film ?
Sortie : le 1 juin 2016
Durée : 1h36
Réalisateur : Boo Junfeng
Avec : Fir Rahman, Wan Hanafi Su, Ahmad Mastura
Genre : Drame