Une adaptation de Bérénice digne du Français au Théâtre du Vieux Colombier

Le Théâtre du Vieux Colombier met à l’honneur Bérénice, le classique en 5 actes de Racine représenté pour la première fois en 1670 et adapté ici dans une version modernisée et épurée essentiellement portée par le jeu impeccable des sociétaires de la Comédie Française. Diction impeccable, voix habitées, le texte est respecté à l’extrême pour un effet magistral sur une audience subjuguée. La tragédie se résume parfaitement dans les mots de Racine lui-même: Titus, qui aimait passionnément Bérénice, et qui même, à ce qu’on croyait, lui avait promis de l’épouser, la renvoya de Rome, malgré lui et malgré elle, dès les premiers jours de son empire. Tout est dit.

Une adaptation impeccable

Les 4 rôles de la pièce sont tenus par Jérémy Lopez (l’empereur de Rome, Titus), Suliane Brahim (Bérénice, reine de Palestine), Alexandre Pavloff (confident de Titus) et Clotilde de Bayser (Phénice, confidente de Bérénice), tous parfaits dans leurs rôles. Les prestations sont physique, les voix passent du murmure psalmodié au cri déchirant en un éclair pour un savoir faire confirmé. Mention spéciale à Jérémy Lopez à la voix digne d’une grande voix de doublage, profonde, ensorcelante, difficile de croire qu’il était à l’affiche des comédies légères Si on chantait ou Radin, mais le grand écart est parfaitement assumé. Il donne à son personnage une belle profondeur, lui déchiré entre les contraintes politiques et son amour pour Bérénice. Suliane Brahim (apparue dans les films La nuée et Je verrai toujours vos visages) arbore une belle fragilité pour un personnage sacrifié sur l’autel de la raison d’état. Les 2 confidents Alexandre Pavloff et Clotilde de Bayser donnent la réplique avec art pour donner de l’épaisseur à la tragédie, avec des accents parfois comiques pour le premier et tragiques pour la seconde. Tous les 4 évoluent dans une mise en scène d’une grande sobriété, pas de fantaisie, des écrans sur l’arrière scène figurent la pluie qui éclabousse des carreaux ou un paysage antique. Les effets de lumière sont minimaux, rien ne semble devoir perturber l’attention du public sur les comédiens et comédiennes. Pas d’effet de manche scénique inutile, si ce n’est des es longs manteaux volontairement anachroniques pour les comédiens (et dignes de Van Helsing).

Les 2 heures de spectacle passent dans un souffle, Titus et Bérénice forment un couple tragique aux sentiments placés sous l’entonnoir. La pièce est à découvrir jusqu’au 11 mai pour apprécier l’art de l’alexandrin de Racine, porté ici à son paroxysme par des interprètes rompus à l’exercice.

Synopsis:

Figure majeure du théâtre flamand, Guy Cassiers choisit Racine pour sa deuxième mise en scène à la Comédie-Française, après Dostoïevski dont il a adapté « Les Démons » Salle Richelieu en 2022.

Bérénice ouvre de multiples voies de réflexion à cet artiste dont le théâtre interroge l’histoire européenne, la prégnance des discours politiques en portant une attention particulière à la dimension humaine que la littérature recèle. La tragédie de Racine lui offre une intrigue réduite à sa plus simple expression, concentrée sur la déroute des sentiments.

Devenu empereur de Rome à la mort de son père, Titus doit revenir (ou pas) sur sa promesse de mariage faite à Bérénice car le Sénat réfute toute union avec une reine étrangère. Guy Cassiers oppose une Bérénice forte à la lâcheté de Titus et de son ami Antiochus, également épris d’elle. Ce sont deux hommes de pouvoir qui se présentent en victime de la situation.

Ainsi, cette pièce, créée à la Comédie-Française en 1680, est représentée dans une forme des plus novatrices, signant l’alliance d’un grand classicisme dans le texte et d’une remarquable modernité visuelle. Reconnu pour sa maîtrise des technologies de l’image et leur imbrication dans les enjeux dramaturgiques, Guy Cassiers imagine le lieu de l’intrigue, une « antichambre où le temps semble suspendu », en évolution permanente selon les états psychiques des personnages. En choisissant de faire interpréter Titus et Antiochus par un seul acteur, comme leurs confidents respectifs, il plonge la scène dans le désordre des perceptions. L’entièreté du plateau est rendue à la fantasmagorie, en premier lieu celle de Bérénice perdant toute emprise sur la réalité.

Détails:

Du 26 mars au 11 mai 2025, Mardi 19h, Dimanche 15h, du mercredi au samedi à 20h30

NOS NOTES ...
Originalité
Mise en scène
Jeu des comédiens
Plaisir de la pièce
Stanislas Claude
Rédacteur ciné, théâtre, musique, BD, expos, parisien de vie, culturaddict de coeur. Fondateur et responsable du site Culturaddict, rédacteur sur le site lifestyle Gentleman moderne. Stanislas a le statut d'érudit sur Publik’Art.
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