Caravage à Rome, une belle plongée dans la renaissance italienne du clair obscur
Le Musée Jacquemart André propose une plongée fascinante sur le destin romain d’un des plus grands peintres de la Renaissance Italienne, Michelangelo Caravaggio. Le maitre du clair obscur a mené une existence en tous points tourmentée qui l’a amené à séjourner dans la capitale des Papes une petite dizaine d’années entre environ 1595 et 1606. La ville pontificale a été pour lui d’abord l’occasion de confirmer son caractère violent et querelleur avant de voir sa notoriété monter en flèches grâce à des commandes réalisées par des ecclésiastiques et des riches notables. Plonger dans cette époque de changements autant politiques que picturaux est une des grandes qualités d’une exposition Caravage à Rome qui rassemble des toiles remarquables du peintre et de ses contemporains.
Un peintre révolutionnaire pour son temps
La première salle commence très fort avec l’illustre peinture Judith décapitant Holopherne dans une thématique d’ensemble invoquant le théâtre des têtes coupées. Les scènes bibliques mises en scène citent également David et Goliath pour confirmer la dramaturgie de l’exposition. En se rendant à Rome et vu le succès des textes de la Bible, Caravaggio et ses contemporains ne pouvaient pas ne pas tremper dans cette généalogie. Les clairs obscurs pointent déjà dans les expressions de visages qui font ressortir la passion d’instants restés gravés pour l’éternité. La salle suivante s’intitule Musique et Nature morte, avec des tableaux plus apaisés, où les corbeilles de fruits débordent et où les musiciens ont des visages d’anges, mais toujours à moitié plongés dans l’obscurité pour d’inévitables questions sur leurs pensées secrètes. La salle consacrée aux modèles vivants se distingue par la toile L’amour sacré terrassant l’amour profane, forte en symbolique et en chorégraphie longtemps méditée. La salle Les Contemporains met en regard l’œuvre de Caravaggio avec celles d’autres peintres renommés à la Rome de cette époque, parfait pour distinguer les influences croisées et la vogue indéniable du clair obscur. Il est alors temps de s’appesantir sur les pères de l’église avec des toiles de Saint Jérôme et Saint Laurent fortes en intériorité et en introspection, jusqu’à revenir aux toiles représentant la passion du Christ avec là aussi des peintures de contemporains romains. Peintre toujours sur la brèche eu égard à son tempérament sans limites, il semble avoir passé sa vie entière à fuir, expliquant ainsi le titre de la dernière section Le temps de la fuite. Le souper à Emmaüs ou le diptyque Madeleine en extase évoquent des envies de se poser pour un peintre à jamais prisonnier de ses tendances colériques, ce qui donne une piste d’explication pour la force de peintures qui ne ménagent pas les personnages dans des poses à la fois théâtrales et tragiques, jamais vraiment apaisés et confrontés à des choix existentiels sans retour.
L’exposition Caravage à Rome au Musée Jacquemart André se laisse le temps de pénétrer dans une époque et une psyché avec une économie de tableaux et un luxe d’explications pour les plus renommés d’entre eux. Du 21 septembre au 28 janvier 2019, c’est une belle opportunité d’admirer des chefs d’œuvre universels enfin rassemblés dans un parcours plein de sens et de dramaturgie.
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