
Couteaux affûtés, esprits aussi : Julien Lefebvre relance la partie
L’assassinat — ce vieux sport d’intérieur que la littérature anglaise a su élever au rang d’art dramatique — revient, sous les traits ciselés de Julien Lefebvre, hanter les planches d’un théâtre victorien aussi feutré qu’assourdissant de mystères.
Avec « L’Heure des Assassins », l’auteur poursuit, avec la précision méthodique d’un horloger suisse, sa trilogie dédiée aux écrivains-enquêteurs — Conan Doyle, Bram Stoker et ce cher Bernard Shaw, réunis non par l’absinthe mais par le crime.
Une troupe au taquet
Le texte est une mécanique bien huilée : jeux de mots so british, faux-semblants qui se multiplient, et intrigue rythmée.
Julien Lefebvre s’amuse à convoquer les figures de l’âge d’or du roman policier non pour les flatter, mais pour les piéger dans leur propre mythe. On ne regarde pas « L’Heure des Assassins » : on y participe, malgré soi, comme on participe à une partie de Cluedo dont on serait suspect, témoin et lecteur à la fois.
Le théâtre ici n’est pas seulement l’endroit du spectacle : il est l’arme du crime. On y assassine à coups de mots, de soupçons, de doubles fonds. Le rideau se lève, mais la vérité, elle, tarde à tomber. Et c’est tant mieux.
Les comédiens, au diapason, incarnent avec jubilation leurs personnages. Ludovic Laroche brille comme un Conan Doyle imperturbable, observateur et méthodique. Jérôme Paquatte et Nicolas Saint Georges, en Stoker et Shaw, composent un duo de rivaux littéraires aux tempéraments opposés mais complémentaires
Stéphanie Bassibey campe Katherin/Soeur Belgrave avec beaucoup de présence : sa soprano théâtrale et son humour pince sans rire font mouche à chaque réplique. Ninon Lavalou (Miss Lime) est excellente en fausse ingénue qui révèle progressivement une intelligence subtile et un assurance à toute épreuve. Quant à Pierre Arnaud Juin, son Hartford ambivalent est à la fois loyal et inquiétant, en parfait ressort dramatique.
Dates : du 18 juin 2025 au 18 janvier 2026 – Lieu : Comédie de Paris (Paris)
Mise en scène : Elie Rapp et Ludovic Laroche