Une farce déroutante avec Don Quichotte au Lucernaire
Cette adaptation du célébrissime Don Quichotte de Cervantès détonne et déconcerte par ses partis pris punks et décalés. Les comédiens privilégient les situations ubuesques à la magie des mots, le burlesque décalé à la subtilité des réparties. De longs dialogues sans queue ni tête sèment le trouble avec un non-sens assumé. La poésie hallucinée fait douter des intentions entre évocation picaresque et délire foutraque.
Don Quichotte présente sa philosophie à une journaliste enthousiaste. Tandis qu’il lisse ses moustaches et semble fixer un horizon lointain, il répond aux questions avec un sérieux qui tranche avec la fantaisie des propos. Croit-il vraiment à ses effets oratoires dérisoires ou souffre-t-il d’une mythomanie galopante? Le doute subsistera pendant à peu près toute la pièce, faisant du vieux chevalier un original fascinant. Les échanges avec une Claire Chazal de pacotille alternent avec les scènes d’aventures en compagnie de l’éternel Sancho Pança. Une heure durant, les deux compagnons juchés sur leurs cubes accumulent les aventures immobiles. Un léger doute assaille constamment le fidèle écuyer quant aux intentions de son maitre. Mais folie et héroïsme finissent par se confondre sans pouvoir faire la part des choses.
Personnage universel et dérisoire, Don Quichotte est pour son auteur Cervantès le symbole d’un monde qui s’éteint. Désargenté et esseulé, le vieux chevalier s’invente des quêtes à coups de moulins à vents transformés en géants. Le comédien Sylvain Mossot le fait ressembler à un Frank Zappa sous amphétamines, avec sa veste brillante et sa chemise à jabot. Jean-Laurent Silvi privilégie une mise en scène dépouillée avec 4 cubes éparpillés et des accoutrement clownesques. Don Quichotte s’apparente à un vieux punk fantaisiste, perdant en majesté ce qu’il gagne en truculence. Accoutré d’un bric à brac dépareillé, futuriste ou grotesque au choix, il s’enfonce dans sa folie douce. Les 4 comédiens semblent souvent improviser, preuve de la légèreté du texte et de sa parfaite assimilation.
L’humour constamment décalé ravit une part importante du public qui se fait entendre bruyamment. Les plus sceptiques s’enfoncent sur leur banc, mal à l’aise devant une pièce qui privilégie l’énergie à la poésie. Les diatribes ne font que rarement dans la finesse et rappellent l’humour désopilant des Robins des bois ou d’Alexandre Astier dans Kaamelot. Les réparties bien senties s’enchainent sans qu’une once de lyrisme ne se fasse entendre. L’important est de prendre le train en marche.
Dates : Jusqu’au 10 aout 2016
Lieu : Lucernaire (Paris)
Metteur en scène : Jean-Laurent Silvi
Avec : Sylvain Mossot, Alex Blind, Barbara Castin, Anthony Henrot