Humour belge pour deux duos english dans Le Monte-Plats au Lucernaire
Le Lucernaire fait fort en ne proposant pas un duo mais deux duos sur une scène coupée en deux. A ma gauche se trouvent Ben et Gus, deux truands à la petite semaine. A ma droite se trouvent Ben et Gus, deux truands à la petite semaine. Chaque duo se connait sans vraiment se connaitre, se supporte plus qu’il ne s’apprécie. Le bruit incessant d’un monte-plats les sort de leur torpeur mais fait également monter la pression. Quand arrivera enfin leur ordre de mission? Les échanges autant que leur job se rapprochent d’un théâtre de l’absurde à la lisière de l’humour belge pour des rires jaunes et des situations grotesques.
Des duos en miroir
Ben et Gus sont interprétés deux fois par des comédiens disposés de chaque côté de la scène. Chaque duo se compose de Ben, malfrat mauvais et atrabilaire et de Gus, personnage ahuri, presque simplet. Les échanges se font sur le mode non-sense à la sauce belge. Aucun sujet sérieux n’est vraiment abordé, l’objectif est d’occuper le temps entre un lit de camp et un tabouret. Situés dans un sous-sol lugubre, Ben et Gus attendent, le premier est fataliste, le second impatient. Entre eux deux s’intercale le bruit mécanique d’un monte-plats. Croyant y trouver à chaque fois un descriptif de leur objectif, ils n’y décèlent finalement qu’un liste de plats à préparer. Ils sont cloitrés, sans vivres ni ingrédients mais ils doivent préparer des plats. C’est toute l’absurdité de notre société qui est exposée dans une pièce en totale incohérence. L’intérêt principal de la mise en scène d’Etienne Launay au Lucernaire consiste en ce dédoublement de la réalité. Quand le Gus de gauche sort de scène, le Gus de droite peut y entrer dans un miroir non déformant. Pas de nuances entre les deux couples, juste d’inévitables différences physiques. Avec toujours ce bruit strident du monte-plats qui commence à les rendre dingues. Le public craint une esclandre, une altercation entre les deux personnages prisonniers de leur sous-sol et sans aucune visibilité sur leur avenir. Jusqu’à l’ordre final, tragique, finalement prévisible.
Un humour presque belge
Pendant la majeure partie de la pièce, les échanges entre les protagonistes ressemblent à ceux d’une comédie belge. Le premier pose une question, le second n’y répond qu’à contre-coeur et la conversation dévie sur des considérations qui en disent plus sur les caractères que sur les opinions. La pièce a beau se dérouler en Angleterre, patrie d’un Harold Pinter habitué du Lucernaire après le récent Trahisons, tout laisse penser à une intrigue située dans les sous-sols de Bruxelles. Le jeu de miroirs densifie une intrigue quelque peu simpliste et directe qui aurait pu s’épaissir avec des différences plus notables entre les duos, aussi bien pour leurs rapports que leurs caractères. L’heure de spectacle se déroule dans une ambiance de fin du monde, sans joie ni surprises, un peu comme chez un Beckett sous Prozac. L’image renvoyée de notre monde n’est que pessimisme et léthargie, difficile de trouver la lumière dans un sous sol sombre et obscur.
Le Monte-Plats au Lucernaire se joue jusqu’au 20 mai pour un moment d’humour noir mâtiné de rivalité cruelle.
Dates : du 28 mars au 20 mai 2018, à 18h30 du mardi au samedi, 15h le dimanche
Lieu : Le Lucernaire (Paris)
Metteur en scène : Etienne Launay
Avec : Benjamin Kühn, Simon Larvaron,Bob Levasseur, Mathias Minne