Isabelle Carré, une « Serva amorosa » en majesté
Catherine Hiegel s’empare avec le talent qu’on lui connait, d’un grand rôle féminin en confiant à Isabelle Carré (exceptionnelle) le personnage de « La Serva amorosa », une femme libre et indépendante avant l’heure imaginée par Goldoni. Une femme stratège aussi qui, en usant de toutes les ruses, rétablira son maître, injustement déshérité, dans la place sociale qui lui revient.
A travers cette farce mais pas que, Goldoni inverse le rapport de domination entre maîtres et valets. Il dessine des personnages à la fois inspirés de la commedia dell’arte mais aussi profondément humains, inspirés de l’observation de ses contemporains.
Coraline, servante fidèle et dévouée va suivre un fils de famille banni par son père (sous l’influence de sa belle-mère…) et lui permettre de retrouver sa position dans le giron familial dont il ne saurait s’extraire sans danger de disgrâce sociale et de futur compromis.
Une direction d’acteurs de haut vol
Cette pièce aux dialogues épiques et savoureux entre en résonance avec notre époque, où l’émancipation des femmes et la quête de justice demeurent des combats éternels. Elle signe aussi le triomphe de la femme sur la perversité du monde, dans un imbroglio d’une grande élégance.
La mise en scène au cordeau de Catherine Hiegel est au plus près du jeu des comédiens et du texte dont elle restitue à merveille l’atmosphère, les enjeux amoureux et sociaux où chacun des personnages en jouant de sa condition, permet à l’auteur de dénoncer la petitesse humaine.
La tonalité comique du chef d’oeuvre de Goldini laisse aussi percevoir la part d’ombre existentielle des personnages en y dévoilant leur faille et leur faiblesse ainsi que l’éternel drame de l’acte manqué.
L’astucieux et beau décor de Catherine Rankl fait puissamment écho à la machination de l’intrigue, sa théâtralité, où chaque ressort est savamment orchestré.
Figure de femme libre et irréductible, Isabelle Carré, aussi déterminée qu’ingénue, est magnifique d’incarnation, portée par une troupe aussi parfaite qu’à l’unisson.
Dates : du 25 septembre au 4 janvier 2025 – Lieu : Théâtre de la Porte Saint-Martin (Paris)
Mise en scène : Catherine Hiegel