Le jeune Karl Marx ou la puissance de la pensée
Le réalisateur Raoul Peck s’intéresse aux années de jeunesse de Karl Marx, celles où il parcourt l’Europe et échafaude sa doctrine communiste au contact du monde et de ses contemporains. Dénué de son épaisse barbe blanche, il a 26 ans, une femme aimante et une enfant. La figure légendaire n’est pas encore marquée dans le marbre et le jeune Karl Marx a tout du jeune chien fou. Sa rencontre avec Friedrich Engels va marquer le début de l’élaboration d’une doctrine qui allait bousculer durablement le monde. La reconstitution historique de la mi-XIXe siècle est au diapason d’une puissance intellectuelle qui donne au film toute son épaisseur. Pour le constat final que les choses n’ont pas tellement changé depuis… Un film à découvrir absolument, le vrai film de la rentrée en fait.
L’avènement d’un personnage
August Diehl figure un Karl Marx dépenaillé toujours armé de son éternel cigare à moitié éteint. De Cologne à Londres en passant par Paris et Bruxelles, il se frotte aux intellectuels de son temps et élabore son matérialisme philosophique avec le matérialisme social en place centrale jusqu’à son étape finale, la lutte des classes, avec l’idée que seule la classe ouvrière est réellement capable de transformer la société. Les conversations sont immanquablement philosophiques avec le constat que l’opposition entre patronat et classe ouvrière, ainsi que la mise en avant des méfaits du capitalisme. L’exploitation aboutit à l’asservissement et la valeur travail est déstructurée dans toute sa composante profondément inégalitaire. Le film n’est pas une balade douce sur les eaux de la pensée, mais un voyage tumultueux sur les eaux agités de la contestation. Avant les révolutions de 1848 et la parution du manifeste du parti communiste, les états monarchiques tiennent l’opposition d’une main de fer, obligeant Karl Marx à changer continuellement de localisation à travers l’Europe. Ce qui lui permet de rencontrer notamment Proudhon et Engels pour des impacts déterminants sur sa pensée.
Les prémisses d’une révolution
Stefan Konarske et Olivier Gourmet figurent ces acolytes centraux dans l’élaboration de la philosophie marxienne. C’est d’ailleurs une des grandes qualités du film. Les personnages allemands parlent allemand, les anglais parlent anglais et les français parlent français, et tous parlent ces trois langues. Pas de trahison linguistique pour une honnêteté intellectuelle totale. Les adeptes de pensée puissante apprécieront forcément un film qui se situe avant toutes les révolutions du XIXe et du XXe. La valeur travail, les acteurs de production ou les classes sociales sont des notions décortiquées par un Karl Marx presque halluciné qui devient aussi contemporain que n’importe quel penseur contemporain. Et comme les acteurs ne se départissent jamais d’une sobriété qui leur fait honneur, l’accent est avant tout mis sur la pensée, les contradictions et les désaccords. La femme de Karl Marx, Jenny, tient une place centrale dans un film où elle intervient comme une figure centrale dans l’équilibre de son conjoint, toujours aimante, toujours compréhensive, toujours présente.
Le jeune Karl Marx est un film sur la pensée en action et la force d’une philosophie élaborée dans un contexte hostile. Quand le film se clôture et que les notes de Like a Rolling Stone retentissent, c’est un choc. Bob Dylan accompagne des images qui montrent bien que rien n’a changé depuis 1848. L’homme est décidément un animal incorrigible…
1844. De toute part, dans une Europe en ébullition, les ouvriers, premières victimes de la “Révolution industrielle”, cherchent à s’organiser devant un “capital” effréné qui dévore tout sur son passage.
Karl Marx, journaliste et jeune philosophe de 26 ans, victime de la censure d’une Allemagne répressive, s’exile à Paris avec sa femme Jenny où ils vont faire une rencontre décisive : Friedrich Engels, fils révolté d’un riche industriel Allemand.
Intelligents, audacieux et téméraires, ces trois jeunes gens décident que “les philosophes n’ont fait qu’interpréter le monde, alors que le but est de le changer ». Entre parties d’échecs endiablées, nuits d’ivresse et débats passionnés, ils rédigent fiévreusement ce qui deviendra la “bible” des révoltes ouvrières en Europe : “Le manifeste du Parti Communiste”, publié en 1848, une œuvre révolutionnaire sans précédent.
Sortie : le 27 septembre 2017
Durée : 1h58
Réalisateur : Raoul Peck
Avec : August Diehl, Stefan Konarske, Vicky Krieps
Genre : Drame, Historique, Biopic