Julieta : peinture d’Almodovar sur la douleur des mères (Festival de Cannes 2016)
Avertissement : cette chronique dévoile quelques aspects de l’intrigue, dont l’effet de surprise repose en grande partie sur la mise en scène.
Une énième fois en compétition officielle, Almodovar expose dans son dernier film Julieta la douleur d’une mère punie par la vie.
Avant d’être mère, Julieta était une jeune femme épanouie et amoureuse. L’amour de sa vie, pêcheur de profession, décide de partir en mer après une dispute, malgré les mauvaises conditions météorologiques. Il ne s’en sortira pas. Sa disparition soudaine va plonger la famille dans le deuil et anéantir durablement la jeune maman. C’est sa fille, pré-ado, qui va s’occuper d’elle avec amour avant de décider, à sa majorité, de partir se recueillir en retraite.
Pour une raison inconnue la jeune fille ne donnera plus signe de vie à sa mère. Après le deuil de son amour, Julieta subit celui de sa fille. Une douleur immense mêlée à une profonde incompréhension. Mais alors qu’elle se refusait de penser à sa fille, une amie dit l’avoir croisée par hasard une semaine plus tôt. Tout le passé de cette mère blessée ressurgit alors avec émoi.
L’histoire de Julieta ne se résume pas à une jeune fille qui disparaît et refait surface en bouleversant sa mère. Almodovar livre surtout un aperçu émotionnel des épreuves qui jalonnent l’existence d’une mère. Cette femme blessée, endeuillée et abattue se raccroche à la moindre lueur d’espoir dans de grands bouleversements.
Le pitch paraît minimaliste surtout quand on a assisté à l’exercice de style du réalisateur. Il excelle une fois encore dans une mise en scène de haute volée. Almodovar peint une véritable toile sous nos yeux. Un tableau vierge où les traits courent anarchiquement, épousent des formes mystérieuses et ne dévoilent leur évidence que dans leur finalité. Une toile de mères de tous âges et de tout temps. Un sujet universel et ô combien intemporel, traité avec beaucoup de symboliques.
Servi par des actrices que l’on n’a pas l’habitude de voir – et ça fait du bien – le personnage de Julieta contraint à la performance de l’excès. Mais n’est-ce pas un mal nécessaire quand on parle de mères en détresse ? On pourrait en effet reprocher quelques débordements émotionnels, quelques larmes ou tremblements de trop, mais sans excès un Almodovar ne serait pas un Almodovar. Le film n’a pourtant pas fait l’unanimité sur la croisette, loin de là.
Ce Julieta qui ne me faisait pas franchement envie (j’avais lu le synopsis et la bande annonce avant, chose que je préfère d’ordinaire faire après). Mais il est pour moi l’un des favoris pour la Palme d’Or. Verdict ce soir avec le palmarès de la compétition officielle du Festival.
Julieta parle du destin, de la culpabilité, de la lutte d’une mère pour survivre à l’incertitude, et de ce mystère insondable qui nous pousse à abandonner les êtres que nous aimons en les effaçant de notre vie comme s’ils n’avaient jamais existé.
Sortie : 18 mai 2016
Durée : 1h39
Réalisateur : Pedro Almodóvar
Avec : Emma Suárez, Adriana Ugarte, Daniel Grao
Genre : Drame