L’infinie Comédie, le chef d’œuvre de David Foster Wallace
Près de vingt ans après sa publication américaine, le chef d’œuvre de David Foster Wallace, écrivain méconnu en France mais adulé aux États-Unis, est enfin traduit dans la langue de Molière. De quoi donner envie de se jeter sur ce pavé aussi déroutant qu’addictif.
L’infinie comédie est une œuvre monumentale. D’abord par sa forme – 1400 pages qui l’érigent au rang des plus gros pavés littéraires –, mais aussi par l’empreinte indélébile qu’elle a laissée dans la littérature américaine. Publié en 1996, le livre conquiert rapidement son public, allant même jusqu’à élever Wallace au rang de rock-star. Après de nombreux tumultes éditoriaux , les éditions de l’Olivier proposent enfin l’ouvrage dans une traduction française digne de ce nom, signée par des talentueux Francis Kerline et Charles Recoursé. 1400 pages gargantuesques, délirantes et mélancoliques, dans lesquelles les styles d’écritures s’entremêlent et s’entrechoquent.
Dans un futur proche, les États-Unis ont fusionné avec le Canada et le Mexique, formant ainsi « L’O.N.A.N. », un immense territoire où tout semble être dicté par le culte du divertissement. Les théories de la société du spectacle de Debord sont désormais érigées en modèle de vie : les enfants sont formés dés leur plus jeune âge à devenir des champions de tennis et tous les habitants n’aspirent à vivre que dans l’ultra consommation.
Dans ce monde au capitalisme effréné, même le temps est sponsorisé par de grandes marques : 2010 est ainsi surnommée « L’année du Whopper », en référence au célèbre burger américain. David Foster Wallace entend démonter les rouages de cette société aseptisée, en faisant se croiser trois arcs narratifs qui explorent trois versants particuliers de ce monde cauchemardesque. Nous suivons ainsi le quotidien de Hal Incandenza, brillant tennisman dont la famille est en proie à de dangereux séparatistes québécois. Ces derniers cherchent à mettre la main sur « L’infinie Comédie », une vidéo réalisée par le père de Hal dont la vision provoque une addiction mortelle. Ajoutez à cela les pérégrinations rocambolesques de Gately chez les Alcooliques Anonymes ainsi qu’une curieuse joute verbale entre deux espions et vous aurez la trame générale de L’infinie Comédie.
Développer une histoire narrativement bien construite et cohérente ne semble pourtant pas être au cœur des préoccupations de Wallace. Comme dans ses précédents écrits, l’histoire n’est qu’un prétexte à dérouler sous nos yeux un monde incroyablement dense, rempli de détails hilarants et absurdes. Plus qu’un écrivain, Wallace est un dessinateur hors pair qui croque ses contemporains avec une ironie mordante et un sens de l’humour qui touche au génie : « Tiny Ewel, en costard bleu, avec un chronomètre laser et des chaussures si luisantes qu’elles pourraient servir de lampe de lecture, partage un cendrier en aluminium sale avec Nell Gunther, laquelle a un œil de verre qu’elle s’amuse à porter à l’envers, pupille et iris vers l’intérieur, de sorte qu’on ne voit que la face arrière blanche où sont inscrites les coordonnées du fabricant en toutes petites lettres (p.504) ».
À l’aide de phrases sinueuses à la syntaxe parfois labyrinthique, Wallace fait ressortir l’étrangeté du quotidien tout en dressant la cartographie d’un monde en faillite. Car derrière cette prose drolatique se cache un regard désabusé, voire nihiliste (David Foster Wallace s’est suicidé à 46 ans), qui ressort sous forme de saillies au sein d’une architecture orgiaque et cacophonique : « Nous entrons dans une puberté spirituelle où nous découvrons que la grande horreur transcendante est la solitude, l’exclusion, le confinement à l’intérieur du moi. Quand nous avons atteint cet âge, nous sommes prêts à tout donner et à tout prendre, à porter n’importe quel masque, pour être intégrés, participer n’être pas Seuls, nous les jeunes ».
Située au pinacle du postmodernisme, L’infinie comédie est une œuvre somptueuse qui affirme une beauté ainsi qu’une lucidité prophétique à chacune de ses pages. David Foster Wallace ne nous a pas seulement légué un chef-d’œuvre littéraire, mais un outil pour nous permettre de mieux voir notre réel et d’en pointer les errements. À nous d’en faire bon usage, donc !
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Francis Kerline
L’Amérique, dans un futur proche.
Les U.S.A., le Canada et le Mexique ont formé une fédération surpuissante, et la Société du Spectacle a gagné : les habitants ne vivent plus qu’à travers la télévision, les médicaments, l’ultra-consommation et le culte de l’excellence. Parmi eux, la famille Incandenza, avec les parents James et Avril et leurs trois fils – dont Hal, un tennisman surdoué promis à un brillant avenir. Mais de dangereux séparatistes québécois, en lutte
contre la fédération, traquent cette famille singulière pour mettre la main sur une arme redoutable : L’Infinie Comédie, une vidéo réalisée par James Incandenza, qui suscite chez ceux qui la regardent une addiction mortelle…
Livre culte dès sa parution aux États-Unis en 1996, ce texte prophétique a fasciné ses lecteurs dans le monde entier. Considéré comme l’un des cent meilleurs romans du XXe siècle, L’Infinie Comédie est enfin publié en France.
David Foster Wallace naît en 1962 à Ithaca dans l’État de New York. Après de brillantes études en littérature, philosophie et mathématiques, il publie à vingt-cinq ans un premier roman remarqué. En 1991, alors enseignant en littérature à Boston, il se lance dans l’écriture d’un roman « total » : L’Infinie Comédie (Infinite Jest), livre hors norme reçu comme un chef-d’oeuvre. David Foster Wallace publiera ensuite deux recueils de nouvelles ainsi que de courts essais sur la littérature, la musique, la télévision et le tennis. En 2008, il se suicide et laisse derrière lui un roman inachevé, Le Roi pâle (Au diable vauvert, 2012), finaliste du prix Pulitzer.
Date de parution : le 20 août 2015
Auteur : David Foster Wallace
Editeur : Editions de l’Olivier
Prix : 27,50 € (1788 pages)
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[…] l’âme d’une époque, laissant une Infinie Comédie, tout comme le chef-d’œuvre de David Foster Wallace, pour que les générations futures la […]