L’Opéra ou l’envers du décor des 2 grands opéras parisiens
L’Opéra Garnier et l’Opéra Bastille sont deux énormes mastodontes, difficiles à manoeuvrer et à faire vivre. Pour s’en convaincre, le film L’Opéra propose une plongée asphyxiante et passionnante dans un petit monde pénétré de centaines de petites fourmis toutes affairées à leurs tâches particulières. Du tout puissant directeur général Stéphane Lissner jusqu’aux femmes de ménage en passant par les chanteurs, danseuses ou musiciens en herbe, ce sont des dizaines de portraits qui sont brossés, avec des survols éclairants et des scènes destinées à marquer durablement le spectateur. Si les aspects administratifs dévoilent les turpitudes inhérentes à un établissement public pénétré par des syndicats belliqueux, les aspects artistiques gagnent toute leur place et impriment les esprits longtemps après la séance.
Des scènes oniriques
Tout comme le récent Relève: Historie d’une Création, L’Opéra situe ses séquences lors du passage aussi rapide que marquant de Benjamin Millepied en tant que directeur de la danse de l’Opéra National de Paris de novembre 2014 à février 2016. Si les raisons du désamour entre l’administration et le chorégraphe sont plus ou moins éludées, voire passées sous silence, tout le reste du fonctionnement est picoré à doses comptées. Avec des images souvent saisissantes tant les protagonistes offrent des regards disparates sur la vie backstage. C’est ce ténor russe transi d’admiration devant une expérience si longtemps espérée, c’est ces membres du choeur qui acceptent les exigences les plus ardues tout en faisant entendre leurs voix (et leurs exaspération) selon les moments, ce sont ces élèves de CM2 qui s’essayent à l’Allegretto de la 7e symphonie de Beethoven du haut de leurs 10 ans, les images montrent les régisseurs en train d’entonner joyeusement les airs de l’Opéra Moise et Aaron et surtout ce sont ces danseuses qui quittent la scène le sourire aux lèvres, sans efforts apparents, pour haleter une fois les coulisses rejoints dans une dichotomie flagrante entre l’apparence de la scène et les efforts (les sacrifices?) consentis pour arriver à ce qui se rapproche de la perfection. Le film enchaine les scènes comme un kaléidoscope proche du quotidien d’un établissement constamment sur le fil du rasoir.
Un héros très discret
Le vrai héros du film est rien de moins que Stéphane Lissner, directeur omniprésent, souvent taiseux mais à la volonté de fer. Décrit comiquement comme Dieu perché au 8e étage de l’Opéra Bastille, il démontre un flegme de chaque instant et un a propos impressionnant. Que ce soit en compagnie du président François Hollande, au lendemain des douloureux attentats du Bataclan ou dans le public des Opéras, il impose sa stature et sa sérénité pour manoeuvre tant bien que mal la montgolfière culturelle. En donnant l’exemple, il insuffle une énergie à tous les collaborateurs pour une impression inégalable: chacun s’escrime, à son niveau, comme autant de maillons indispensables pour la réussite collective de l’entreprise. L’Opéra devient un challenge quotidien, presque inhumain et pourtant reconnu à travers toue la planète.
L’Opéra est un documentaire qui mélange l’ordinaire et le merveilleux, le laborieux et la grâce, les répétitions et les prestations. Pour une évidence finale: que d’efforts sont nécessaires pour aboutir à quelques heures de magie. Le jeu en vaut-il la chandelle? Il semble que oui, mille fois oui!
Une saison dans les coulisses de L’Opéra de Paris. Passant de la danse à la musique, tour à tour ironique, léger et cruel, l’Opéra met en scène des passions humaines, et raconte des tranches de vie, au coeur d’une des plus prestigieuses institutions lyriques du monde.
Sortie : le 5 avril 2017
Durée : 1h50
Réalisateur : Jean-Stéphane Bron
Avec : Acteurs inconnus
Genre : Documentaire