Ma Loute, un vent d’air frais dans le cinéma français
Ma Loute est un vrai OVNI cinématographique. Iconoclaste, dérangeant, retors. Le film fascine ou rebute. Bruno Dumont mélange bourgeoisie dégénérée et pécheurs cannibales dans une bouffonnerie fantaisiste jubilatoire ou excessivement excentrique, c’est selon. Je suis resté le sourire aux lèvres deux heures durant, captivé par tant d’audace…
Une famille bourgeoise prend ses quartiers d’été sur la côte nord. Les Van Peteghem sont des originaux fortunés, à courte vue et excentriques à leur corps défendant. Entre le mari bossu, la cousine, le beau-frère et l’oncle, impossible de comprendre les liens généalogiques. Ils côtoient les pêcheurs de moules avec une aimable condescendance. Quand des disparitions sont signalées dans la baie de la Slack, l’inspecteur Machin et son adjoint Malfoy mènent l’enquête…
Un mot pourrait suffire pour dépeindre Ma Loute : loufoque. Car les personnages rivalisent de cocasserie. Entre les accents incompréhensibles, les regards obliques et les physiques disgracieux, pas un protagoniste ne semble issu autrement que d’une consanguinité quelconque. La première guerre mondiale viendra balayer cette ère fin de race pour renouveler des filiations à bout de souffle. Si les bourgeois voguent dans des moeurs kitch et dissolues, les pêcheurs de moule sont réduits au cannibalisme le plus gore. Les classes sociales s’opposent sauf dans leurs excès respectifs. Une histoire d’amour improbable lie le fils ainé des pêcheurs, appelé mystérieusement Ma loute, et Billie, rejeton androgyne de la famille Van Peteghem. Fils ou fille, le doute est permis et jamais vraiment éclairci, l’acteur (actrice?) se faisant appeler Raph…
Les 2 heures passent comme dans un rêve, entre extravagances et pitreries. Le casting se met à l’heure Dumont pour un festival de cocasseries. Fabrice Luchini marche comme Aldo Maccione avec sa bosse et son accent improbable. Son épouse interprétée par Valéria Bruni Tedeschi ne cesse de tomber tout en semblant inéluctablement et constamment à l’ouest. Juliette Binoche est une soeur échevelée et clownesque. Tout ce petit monde semble personnifier les travers humains les plus reculés, aux frontières de la bâtardise et de la dégénérescence. Les métaphores foisonnent et le spectateur a toute liberté pour comprendre les liens véritables entre les personnages… Si les bourgeois sont tapis dans leurs coutumes de classes, les pêcheurs sont taiseux… méfiance. Le film ressemble à une galerie des horreurs.
Ma Loute est une anomalie dans le cinéma français contemporain et Bruno Dumont un barbare. Son Camille Claudel 1915 éberluait par son tranquille apaisement, La vie de Jésus étonnait par son ton résolument outrancier, Ma Loute s’inscrit dans une nouvelle catégorie, celle des fantaisies intemporelles, restranscriptibles à notre époque, dans le futur ou dans la Préhistoire. Une boutade qui fait du bien.
Ce film a été présenté lors de la 69e édition du Festival de Cannes, dans la sélection « Compétition Officielle ».
Sortie : le 13 mai 2016
Durée : 2h2
Réalisateur : Bruno Dumont
Avec : Fabrice Luchini, Valéria Bruni Tedeschi, Juliette Binoche
Genre : Comédie dramatique
Bonjour,
Je viens d voir ce film à Cannes et je n’en suis pas sortie indifférente ! Ce film loufoque est sublime, parfois dérangeant, mais très amusant. J’ai passé un excellent moment, même si la fin du film ne m’a pas convaincu, j’ai beaucoup aimé l’originalité de l’œuvre, parce que s’en est une ! Une œuvre d’art !