L’outsider ou le fantasme du trader psychotique
L’outsider tente de surfer sur la vague américaine des films dévoilant les abus du monde de la finance. Là où The Wolf of Wall Street utilisait la veine caricaturale comique et The Big Short détricotait les mécanismes compliqués des subprimes avec un humour corrosif et pédagogique, Christophe Barratier se prend les pieds dans le tapis en ne sachant pas sur quel pied danser. Critique d’un système ? Drame personnel ? Analyse du cas Jérôme Kerviel ? Tous pourris ? C’est un peu tout ça à la fois pour un résultat par trop roboratif et maladroit.
Comment un trader a-t-il pu à faire perdre 5 milliards d’euros à la Société Générale ? Si le sujet vous intéresse, L’outsider ne répondra pas forcément à vos questions. Le jeune trader interprété par Arthur Dupont se prend bien vite au jeu rémunérateur du trading, jonglant avec les chiffres comme une otarie avec les balles. Quand il commence à miser des sommes déraisonnables, personne ne l’aurait donc pris par la peau du cou pour le ramener à la raison ? Les montants en jeu devraient pourtant vite faire comprendre qu’aucun système informatique au monde ne pourrait laisser passer une telle énormité. Le réalisateur tombe dans le panneau du poncif en transformant Kerviel en boulon psychotique d’un système basé sur la performance addictive. Les traders vivent une vie hyper stressante et se détendent à coup de magnum de champagne et de soirées au club de strip tease, vraiment ? On nage en pleine caricature.
L’outsider a beau montrer les 3 tours de la Société Générale à la Défense encore et encore, le film manque de crédibilité et en fait trop, mélangeant fantasme et réalité. Un personnage ressemble méchamment à Jonah Hill dans Le Loup de Wall Street. Coïncidence? L’acteur interprétant l’ex-PDG de la Sogé Daniel Bouton semble toujours hagard et perdu, le réalisateur connait-il vraiment le CV de cette machine à réfléchir plus vite que son ombre? Le chef de la salle de trading semble ne pas du tout suivre le travail de ses équipes, comportement crédible? En bref, le film fait montre d’une facilité déconcertante et ne creuse pas du tout les mécanismes, se contenant de poudre aux yeux et de fugazi. Le résultat est-il finalement au moins divertissant. La mayonnaise thriller financier/tempête sous un crâne ne prend pas vraiment et il n’y a guère que la duplicité schizophrénique du personnage de François Xavier Demaison pour vraiment fasciner.
De Jérôme Kerviel, le film n’éclaire pas vraiment la personnalité. Est-il un escroc ou un accro (au jeu) ? Le spectateur préférera ne pas s’appesantir sur la question car le film laisse trop de portes ouvertes faute de parti pris. The Big Short osait le tableau cynique jusqu’au bout, assumant ses outrances et concluant sans coup férir sur un système devenu fou. L’outsider manque de cette franchise. Car on ne perd pas 5 milliards comme ça….
On connaît tous Kerviel, l’opérateur de marchés de 31 ans dont les prises de risque auraient pu, en 2008, faire basculer la Société Générale – voire même le système financier mondial… Kerviel est condamné deux ans plus tard à cinq ans de prison dont trois ferme et aux plus lourds dommages-intérêts jamais vus pour un particulier: 4,9 milliards d’euros ! Mais que sait-on de Jérôme ?… Entré dans la banque par la petite porte en 2000, personne n’aurait pu prédire que le jeune Breton parviendrait à devenir trader 5 ans plus tard. Et Jérôme Kerviel va gagner ses galons et sa place en apprenant vite. Très vite. Jusqu’à fin 2007, il sera dans une spirale de réussite : « une bonne gagneuse », « une cash-machine » – comme le surnommaient ses collègues…
Sortie : le 22 juin 2016
Durée : 1h57
Réalisateur : Christophe Barratier
Avec : Arthur Dupont, François-Xavier Demaison, Sabrina Ouazani
Genre : Comédie dramatique, Thriller