Lucas Belvaux dresse un tableau social sans concession de la France avec Chez Nous
A l’approche des présidentielles, le très engagé Chez Nous se concentre sur l’engouement croissant des français pour les thèses d’extrême droite. Loin de choisir le parti pris d’une critique frontale et caricaturale, Lucas Belvaux invoque la réalité sociale de populations qui se considèrent comme laissées à l’abandon par les partis traditionnels. A travers la fascination d’une jeune infirmière pour les promesses du parti Rassemblement National Populaire à la leader blonde et charismatique, c’est surtout une thèse sur l’engagement politique qui se dessine. Certains y voient à tort un film de propagande, c’est surtout un constat sans concession d’une France divisée.
Un film engagé
Lucas Belvaux se frotte à un style quasi documentaire pour donner la parole à ces français si loin du microcosme parisien et des discours politiques gratuits. Ce sont des réflexions parsemées dans le film qui mettent la puce à l’oreille. Les magasins qui ferment, la solitude contemporaine, les cellules familiales décomposées, c’est tout un contexte morose qui fait penser que la situation ne va pas en s’arrangeant. Au milieu de la grisaille ambiante, Pauline (magnifique Emilie Dequenne) se dévoue auprès des populations locales en infirmière zélée qui ne compte pas ses heures, quitte à sacrifier ses deux enfants et sa vie sentimentale. Elle personnifie ces français qui ne veulent pas baisser les bras et prennent le relais de pouvoirs publics au bout du rouleau. Loin des considérations politiques et d’un engagement social qui avait marqué la génération communiste précédente, elle assume son rôle sans voir plus loin que son engagement quotidien. Quand un parti extrême aux thèses fascinantes lui propose de le représenter aux prochaines élections locales, elle ne considère pas la toxicité globale des thèses mais l’impact positif immédiat qu’elle croit y déceler pour ses concitoyens. La naïveté politique le dispute aux aspirations à la bienveillance.
Un film sans faux semblants
En choisissant une Catherine Jacob grimée en femme politique blonde et inflexible, le réalisateur ne fait pas de détours et met les pieds dans le plat. C’est bien du FN qu’il veut parler, un parti à la stratégie politique implacable et de plus en plus gagnante. Les thèses populistes parlent à des populations avant tout intéressées par une amélioration significative de leur niveau de vie, quitte à fermer les yeux sur les soupçons de xénophobie inhérents au parti extrême. Loin de se ranger derrière la propagande d’un parti destiné à remporter le premier tour prochain des élections présidentielles, Lucas Belvaux invite à réfléchir sans pathos ni raccourcis. Se souvenant qu’une élection démocratique se fait dans des urnes, il éclaire sur les enjeux actuels qui orienteront les français. S’il sacrifie certes à une intrigue parfois binaire et théâtrale, le film met surtout le doigt là où ça fait mal. Pour un constat glaçant, bien au delà des querelles politiciennes stériles offertes par les médias.
Chez Nous prend le risque de mettre les thèses frontistes au premier plan pour mieux les examiner et les détricoter. Il faut passer par là et Lucas Belvaux offre la possibilité de s’interroger en toute connaissance de cause. Ce n’est pas l’aspect le moins intéressant d’un film à découvrir.
Pauline, infirmière à domicile, entre Lens et Lille, s’occupe seule de ses deux enfants et de son père ancien métallurgiste. Dévouée et généreuse, tous ses patients l’aiment et comptent sur elle.
Sortie : le 22 février 2017
Durée : 1h58
Réalisateur : Lucas Belvaux
Avec : Emilie Dequenne, André Dussollier, Guillaume Gouix
Genre : Drame