Sortie : en dvd le 6 novembre 2013
Durée : 1h33
Avec : Richard Leduc, Danièle Gaubert, Serge Gainsbourg
Synopsis :
[pull_quote_center]En 1968, Simon, est un jeune artiste peintre en pleine crise d’inspiration. Lors d’une soirée il goûte une substance aux propriétés étranges et développe des capacités mentales qui lui permettent de voyager dans le futur et le passé. Il peut maintenant enjamber les époques en une fraction de seconde et s’amuser à observer la belle Félicienne qui occupait son appartement dans les années 30. Mais ses nouvelles facultés ne sont pas sans conséquence et perturbent l’équilibre du couple qu’il forme avec Angéla. Son ami Laurent tente de le rassurer et de l’arracher à ses « hallucinations. »
Après quarante quatre années de presque invisibilité, le film culte de Robert Benayoun est disponible pour la première fois et en copie neuve sur support dvd, l’occasion de revoir ou découvrir un objet étrange, symbole de la liberté et la créativité d’une époque où tout semblait autorisé sur le plan artistique et le reste. A revoir le film, il semble difficile à classer : Est-ce une œuvre fantastique ? Un trip poétique ? Une œuvre expérimentale sous influence de la nouvelle vague ? Un peu tout cela en fait, et c’est ce qui en constitue la singularité.
Paris n’existe pas conserve le charme d’une époque, voir la naïveté de certains effets spéciaux qui apportent toute sa poésie étrange au film, couplé à la superbe partition musicale de Jean-Claude Vannier et Serge Gainsbourg qui interprète ici l’ami du héros, un mentor à l’apparence de dandy adepte d’aphorismes. Bizarrement aucune chanson du chanteur-compositeur ne vient agrémenter le long métrage, mais la composition instrumentale, magnifique, se suffit à elle-même. La réalisation est fortement influencée par le mouvement surréaliste, en particulier André Breton, avec cette histoire d’un peintre qui se découvre soudain la faculté (hallucinatoire ou réelle on ne le saura pas) de voir le pouvoir du temps sur les objets et les choses. Ainsi en déambulant dans les rues de Paris, le héros croise-t-il des soldats nazis en train de se livrer à une arrestation, l’image terrifiante d’un temps passé qui pourrait bien resurgir si l’homme n’y prend pas garde ; et voilà pourquoi le sous-texte du film parait encore moderne. C’est de cet aspect universel des choses et des êtres, du sentiment immuable de l’amour par exemple, dont il est question ici avec le personnage de Angéla (jouée par la charmante Danièle Gaubert), jeune femme douce et aimante dépassée par la crise que traverse son artiste de compagnon. Le présent se nourrit du passé et inversement. Les êtres et le monde sont faits de tout ce qui a précédé, en bien ou en mal. Et le passage du temps agit inexorablement sur chacun d’entre nous. L’architecture du récit est constamment déconstruite, comme pour brouiller les repères temporels et spaciaux, perdant le pauvre héros comme dans un ouvrage de science-fiction de Philip K. Dick.
Le film de Robert Benayoun, par ailleurs écrivain et illustre critique de cinéma, est également un chant d’amour à Paris, à ses rues, ses passants, des architectures, ses appartements ayant abrités de douloureux ou beaux souvenirs, et qui sont à présent déserté ou occupé par d’autres histoires. Le réalisateur utilise de vieilles images d’archives pour provoquer le choc des époques. Même si le ton général semble léger, le discours de fond est assez mélancolique et la solitude de Simon, le peintre en pleine crise d’inspiration, interprété par Richard Leduc, semble dire qu’il faut vivre l’instant présent avant que celui-ci ne devienne un souvenir qui se perdra dans l’éternité. L’importance de ce souvenir des choses belles ou graves est vitale et c’est ce que comprend Simon dans son errance, un voyageur immobile témoin du temps qui passe et qui lui échappe constamment.
Paris n’existe pas est un film important dont se réclament certains réalisateurs contemporains comme le cinéaste belge de genre Fabrice du Welz (Calvaire, Vinyan, Colt 45), preuve de la modernité d’un film à la fois beau et singulier aux relents métaphysiques et philosophiques toujours vivaces, malgré il est vrai un aspect daté, mais qui fait tout son charme. Paris n’existe pas montre aussi que le cinéma français actuel a perdu beaucoup de la liberté artistique qui donnait au 7ème Art de tels moments de poésie fantastique. Bref une belle redécouverte nostalgique à ne pas manquer.
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