
Rossosperanza est un film franco-italien d’Annarita Zambrano, sorti en 2024 et passé quelque peu inaperçu. La réalisatrice est née à Rome mais elle est surtout parisienne d’adoption. Après avoir présenté des courts-métrages dans de prestigieux festivals internationaux, elle arrive à Cannes avec son premier long-métrage Après la guerre, sélectionné dans la section Un Certain Regard. Rossosperanza est son deuxième long métrage, il a été en compétition à Locarno et propose un retour en arrière dans les années 1990, entre les murs d’un institut de redressement dédié à soigner les déviances. Ce que beaucoup perçoivent comme un dernier recours pour les parents des classes supérieures qui souhaitent « réparer » une progéniture est en fait semblable à une séance de torture.
Un film puissant
Le souvenir des années 1990 reste pour beaucoup celui de soirée à danser comme un fou au son de musiques techno. La réalisatrice raconte dans Rossosperanza raconte l’histoire d’un groupe de jeunes qui trouvent dans la musique un exutoire aux vertus cathartiques. Ce groupe d’adolescents bien nés et bien dotés recherche la désespérément la révolte face à ceux qui cherchent à leur imposer des règles. Le personnage de Nazzarena (Margherita Morellini) est une sorte de sociopathe qui a tenté de tuer à l’insecticide un évêque ami de sa famille. Alfonso (Lonardo Giuliani) cherche à vivre pleinement son homosexualité malgré les tentatives familiales de la réprimer. Marzia (Ludovica Rubino) séduit des adultes riches qui veulent profiter d’elle et rêve de devenir enfant-star sur la chaine Mediaset. Vittoriano (Luca Varone) s’élève contre la société consumériste et s’enferme dans le mutisme pour se protéger. Des éducateurs cherchent à leur inculquer des exercices de self-control pour réparer leurs esprits dysfonctionnels et tenter de les réinsérer dans la supposée « normalité » voulue par les familles, faite de soumission et de docilité. En cela, Rossosperanza se veut un film politique, une critique contre le pouvoir de l’État omniprésent. Mais pour les personnages de Rossosperanza, l’image de la famille banalement patriarcale est un ennemi à abattre. Les jeunes semblent des naufragés dans un monde qui les rejette à cause de leurs différences, aux qui préfèrent bouger leur corps sur de la musique techno plutôt que de ‘exprimer avec des mots.
La soif de révolte une une solution pour des jeunes ados qui revendiquent pleinement leur singularité, à la marge des règles normatives imposées. Des images du film restent dans l’esprit après son visionnage comme ce tigre échappé d’un zoo ou ce doigt sectionné et transformé en trophée. Le film est délibérément cruel mais aussi poétique, presque un ovni.
Synopsis: Italie, années 90. Zena, 16 ans, fille du médecin du Pape et petite-fille d’un ancien fasciste, est admise à Villa Bianca, dernier recours de la bonne société italienne pour « soigner » les déviances d’une génération rebelle. Elle y rencontre trois adolescents avec lesquels elle se lie d’amitié : Marzia, une jeune fille nymphomane, Alfonso, un jeune homosexuel fantasque, et Adriano, enfermé dans un mutisme attachant et terrorisant.