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Soulages s’éclaire au Musée du Luxembourg

Soulages s’éclaire au Musée du Luxembourg
Brou de noix sur papier marouflé sur toile, Pierre Soulages, 1948. Photo Vincent Cunillère/Collection C.S./Adagp, Paris, 2025

Soulages s’éclaire au Musée du Luxembourg

Dès le seuil franchi, on comprend que « Soulages, une autre lumière » n’est pas une exposition à voir, mais à traverser — un territoire de bruns, de noirs, de blancs qui vibrent dans leur propre gravité. Le papier est partout, fragile, vulnérable. Et pourtant, il impose.

130 œuvres sur papier, dont 25 inédites qui sont toutes autant de voix dévoilées, d’ombres qui parlent.

Une entrée en matière qui déconstruit d’entrée notre idée de Soulages uniquement à travers ses toiles monumentales et ses Outrenoirs — l’exposition installe un basculement : ici, ce sont les œuvres légères, fragiles (en apparence), les formats modestes, le papier, qui portent l’audace.

Le choix du brou de noix comme premier médium frappe par sa simplicité apparente — presque rustique — et sa force expressive. Le brun, la transparence, l’opacité, le blanc du papier : la gamme est restreinte mais infiniment riche.

Le papier offre une liberté différente : moins de distance, moins de monumentalité, plus d’immédiateté. On perçoit le geste, le moment où le pinceau (la brosse) se retire, ou l’outil efface, griffe, creuse. On voit des accidents contrôlés, des traces que le temps n’a pas émoussé, mais sanctifié.

L’évidence du geste

L’exposition donne à voir aussi la variation des moyens : encre, gouache, encre de Chine… Chaque médium joue sa partition dans le contraste, dans la lumière de l’ombre, dans ce va-et-vient entre ce qu’on voit et ce qu’on devine.

Devant certaines feuilles, on éprouve cette sensation d’être face à une archéologie intime : comme si Soulages avait confié au brou la mission de faire remonter la mémoire de pierres disparues, de paysages engloutis. Des fulgurances qui contiennent déjà tout : la patience, le silence, l’attente, l’évidence du trait, l’appropriation de l’espace.

L’exposition remet en lumière des œuvres longtemps restées dans l’ombre — non pas par un choix esthétique, mais par une invisibilité institutionnelle : ce sont des travaux d’atelier, des esquisses géologiques d’une œuvre majeure. Le papier, dans cette rétrospective, se fait confident, témoin de la genèse.

Le parcours muséal joue avec cette thématique : chronologie, oui, mais aussi atmosphère — passage des œuvres plus anciennes, presque hésitantes, aux œuvres tardives qui reviennent au papier avec une sorte de maîtrise souveraine, de gravité. On sent que chaque œuvre a été pensée comme un moment de révélation silencieuse

On avance, et l’encre prend le relais. Le noir gagne en densité, il se tend, se contracte, se fissure parfois. Ici, la feuille n’est plus surface, mais champ de bataille. On perçoit les arrêts brusques, les zones retenues, les blancs qui résistent comme des poches d’air.

Un format plus grand attire l’œil : une vague d’encre noire, presque opaque, arrêtée net par la blancheur du papier. L’impression n’est pas d’admirer un dessin, mais d’assister à une collision. Le noir contre le vide. Et dans cette friction, une lumière inattendue naît.

Le plus prégnant reste cette sensation d’immédiateté : rien d’interposé entre l’artiste et nous. Pas de glacis, pas de vernis. Le papier dit la vérité du moment. On devine l’énergie, l’encrage, mais aussi les respirations, les hésitations. Le spectateur se retrouve presque complice, témoin d’un secret.

En s’approchant on perçoit les fibres soulevées, marquées par l’outil. Ce détail minuscule bouleverse davantage que certains Outrenoirs monumentaux. Parce que là, Soulages est nu, sans protection.

En avançant dans les salles, on sent que Soulages revient au papier comme à une terre natale. Les œuvres tardives respirent une sorte d’assurance tranquille : le noir n’est plus colère, mais chant. On n’est plus dans le heurt, mais dans la maîtrise.

En sortant, on ne garde pas seulement en mémoire la monumentalité du noir, mais aussi la fragilité d’une trace, la puissance d’un geste inscrit sur papier.

C’est cette dimension, intime et lumineuse, que l’exposition offre avec justesse : un Soulages moins connu, mais tout aussi essentiel et unique.

 Dates : du 17 septembre 2025 au 11 janvier 2026 – Lieu : Musée du Luxembourg (Paris)

NOS NOTES ...
Intérêt
Si le droit mène à tout à condition d'en sortir, la quête du graal pour ce juriste de formation - membre de l'association professionnelle de la critique de théâtre de musique et de danse - passe naturellement par le théâtre mais pas que où d'un regard éclectique, le rédac chef rend compte de l'actualité culturelle.
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