Swagger donne la parole à la jeunesse française
Swagger offre une parole inédite à la jeunesse d’une banlieues de Paris stigmatisée dans tous les médias nationaux. Aulnay sous Bois, ses barres HLM, ses habitants chamarrés, ses trafics et ses gros titres. Pourtant des habitants y vivent avec leurs espoirs et leurs rêves. Une dizaine de pré-adolescents entre 11 et 13 ans ont la parole et ravissent avec leurs points de vue à mi-chemin entre l’âge adulte pas si lointain et une enfance qui les retient encore dans ses filets. Difficile de ne pas s’enthousiasmer pour cette parole à la fois libre et dénuée de faux semblants. Car ils sont français et le clament haut et fort.
Une mise en scène entre documentaire et scénarisation
Olivier Badinet ne laisse pas trainer sa caméra impunément, on sent une direction d’acteurs pour faire ressortir toute la complexité de ces jeunes à la fois timides et téméraires. S’ils débutent souvent en s’emmêlant les pinceaux et en hésitant, ils font vite preuve d’à propos. Interrogés sur leurs racines, la religion, leur avenir, l’amour et leur quotidien, ils s’étonnent de l’absence de français de souches dans leur banlieue, inconscients des mouvements de migration historiques du département. Le 9-3 est historiquement une terre prolétaire et c’était des jeunes issus des classes ouvrières et des immigration européennes et maghrébines qui les précédaient. A chaque génération, l’ascension sociale fait remplacer les populations « historiques » par de nouvelles. Ce sont maintenant des familles venues d’Afrique qui sont en majorité. Celles venues pour réaliser les basses oeuvres – nécessaires, rémunérées et fondatrices – entretenir leurs familles et tenter d’offrir le meilleur.
Une jeunesse diverse et dynamique
Le réalisateur ne passe sous silence ni les trafics ni les fréquents échauffourées avec la police. Le groupe de jeunes choisi pour servir de fil rouge au documentaire admet des éléments certainement triés pour leurs avis pertinents sur leur vie. Entre ceux qui se destinent à une carrière d’architecte, de styliste ou de médecin, ces jeunes ont des étoiles dans les yeux. Quelques images éparses montrent des profs impliqués et désireux d’ouvrir ces jeunes si fragiles sur le monde qui les entoure. Le béton a beau être omniprésent, des perruches et des faucons font s’extasier ceux qui lèvent les yeux. Eux-aussi ont le droit, voire le devoir, d’ouvrir leur esprit et de rêver à Paris, à une carrière et à l’amour. L’avenir n’est pas bouché pour ceux qui s’en donnent la peine en s’éloignant des sirènes de l’argent facile, et illégal.
Un documentaire comme une lucarne ouverte sur une partie de la population français trop souvent passée sous silence. Insuffisamment médiatisé, Swagger (les fanfarons en français) bénéficie pourtant de spectateurs nombreux à chaque séance, preuve de l’envie de beaucoup de s’éloigner de l’ostracisme proposé par les médias nationaux. Une bonne manière d’ouvrir son esprit.
Swagger nous transporte dans la tête de onze enfants et adolescents aux personnalités surprenantes, qui grandissent au coeur des cités les plus défavorisées de France. Le film nous montre le monde à travers leurs regards singuliers et inattendus, leurs réflexions drôles et percutantes. En déployant une mosaïque de rencontres et en mélangeant les genres, jusqu’à la comédie musicale et la science-fiction, Swagger donne vie aux propos et aux fantasmes de ces enfants d’Aulnay et de Sevran. Car, malgré les difficultés de leur vie, ils ont des rêves et de l’ambition. Et ça, personne ne leur enlèvera.
Sortie : le 16 novembre 2016
Durée : 1h24
Réalisateur : Olivier Badinet
Avec : Aïssatou Dia, Mariyama Diallo, Abou Fofana
Genre : Documentaire