The Neon Demon ou la beauté du diable
The Neon Demon signe le retour de Nicolas Winding Refn après une pause de 3 ans et un Only god forgives moyennement accueilli par la critique et le public. Le réalisateur danois troque le héros impénétrable pour une héroïne glacée comme un iceberg à la beauté du diable. Esthétique de film de science fiction avec ces blancs immaculés, ces rouges flamboyants et ces bleus hypnotiques, pour un spectacle visuel éblouissant.
Réalisateur à la côte ascendante depuis son premier Pusher sorti en 1996, Nicolas Winding Refn se crée une légende à coup de films sans concessions à la violence stylisée, aux intrigues puissantes et aux héros énigmatiques. Bronson, Le Guerrier Silencieux et surtout Drive l’ont fait entrer dans le club des réalisateurs attendus à chaque film. Quand il débarque au Festival de Cannes 2016 accompagné d’Elle Fanning pour présenter son Neon Demon, le buzz est instantané. A tort ou à raison, le film fait la couverture des magazines et les premiers trailers confirment la profondeur insondable de l’héroïne. Habitué au choix de bandes sons judicieuses depuis Kavinsky dans Drive (There’s someting inside you… inoubliable!), le réalisateur nimbe son opus de musiques hypnotiques, teintées de techno lancinante.
L’héroïne est considérée comme l’élue. Jesse a une beauté parfaite, une peau sublime et un visage d’ange mutin. Elle soulève l’enthousiasme de tous ses interlocuteurs. Son destin de mannequin star est tout tracé dans un univers où les visages apparaissent souvent pour disparaitre presque aussitôt. La beauté est l’étalon maitre. Beauty is not everything, it’s the only thing déclare ce couturier tombé sous le charme de la jeune arrivante. L’admiration est évidemment teintée de jalousie et d’envie, transformant les regards de convoitise en menaces silencieuses. Les ambiances colorées donnent à The Neon Demon une aura de film de science fiction. Les plateaux de shooting photo semblent libérés de l’attraction terrestre, les physiques sont mutants et les regards extraterrestres. Plus qu’un film sur la mode, The Neon Demon figure une variation moderne du mythe de Faust, comme si Jesse avait signé un pacte avec le diable pour attirer irrésistiblement tous les regards.
Là où les concurrentes rivalisent d’ingéniosité pour paraitre belles et désirables à coup de chirurgie esthétique, de poses compassées et de regards perdus, la seule présence de Jesse suffit à aimanter l’attention. Le destin de la belle mi-ange mi-démon est automatiquement tragique. C’est le discret Keanu Reeves qui apparait dans un cauchemar et ces mannequins qui ne rêvent que de voler sa beauté. Nicolas Winding Refn entretient le doute entre la coïncidence génétique imprévue et l’arriviste aux dents longues. Jesse est un vrai personnage mystérieux, d’abord ingénue puis consciente de son pouvoir. Et le film enchaine les mises en scène kubrickiennes pour la mettre incessamment en valeur. Est-elle si belle qu’elle puisse fasciner à tout bout de champ ? Un charme magique semble habiter son physique et sa chair… Le dénouement tranche avec l’intrigue, jusqu’à faire douter de sa justesse.
Mais rien ne pourra empêcher de laisser penser que The Neon Demon est un film intriguant et plastiquement étincelant. Jesse embrasse son reflet dans le miroir comme une variation du conte de Blanche Neige… Mirror mirror on the wall… la beauté parfaite semble une raison suffisante pour perdre son âme. L’obsession de la beauté est au premier plan en même temps qu’à distance. Si la référence à toutes ses jeunes filles s’affamant pour envisager une carrière de mannequin star saute aux yeux, Nicolas WInding Refn va au delà et associe son opus à un conte fantastique. Jusqu’à fasciner le spectateur.
Sortie : le 8 juin 2016
Durée : 1h77
Réalisateur : Nicolas Winding Refn
Avec : Elle Fanning, Jena Malone, Bella Heathcote
Genre : Thriller