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Thomas Ostermeier et Edouard Louis : un duo de choc

Thomas Ostermeier et Edouard Louis : un duo de choc
Laurenz Laufenberg, Renato Schuch et Alina Stiegler dans la pièce « Histoire de la violence » mise en scène par Thomas Ostermeier adaptée du roman d’Edouard Louis. Crédits photo : © Arnaud Declair

Thomas Ostermeier et Edouard Louis : un duo de choc

Peut-on remonter aux origines de la violence, en esquisser l’histoire ? Partant de l’agression dont il a été victime, Édouard Louis a écrit un roman autobiographique, pour tenter de comprendre.

Auteur remarqué d’En finir avec Eddy Bellegueule, dans lequel il racontait son enfance difficile car différent des autres dans un milieu prolétaire, Édouard Louis est aujourd’hui un intellectuel engagé, proche du sociologue et philosophe Didier Eribon.

Edouard Louis publie en 2016 « Histoire de la violence« . Cette pièce retrace cette histoire vraie.

Alors qu’il rentrait d’un repas de Noël, Édouard, sur son chemin, fait la rencontre de Reda, un jeune homme kabyle. Ils passent la nuit ensemble, puis tout bascule. Menaçant Édouard avec une arme, il tente de l’étrangler, puis le viole.

Caché derrière une porte, Édouard écoute sa sœur, Clara, raconter à son mari ce qu’il vient de lui confier. Ce sont ses mots à elle, c’est pourtant son histoire à lui dont chacun des intervenants rencontrés au cours de son périple de victime, n’aura cesse de le déposséder en fonction d’une réinterprétation tronquée.

Une violence sournoise

Thomas Ostermeier, directeur de la Schaubühne de Berlin, adapte à la scène, avec brio, ce récit intime et politique. Il en conserve la structure fragmentaire et polyphonique de la narration, articulée autour des différents points de vue et nombreuses voix que font naître cette agression, entre ceux qui refusent d’y croire et ceux qui la commentent avec son lot de sous-entendus.

C’est la parole des policiers, du corps médical, de l’agresseur, mais aussi celle de la sœur de l’écrivain qui est alors scrutée et dont la violence des mots, des jugements aussi, renvoie à une violence souterraine emprunte d’une haine de l’autre, de sa différence sexuelle ou d’origine.

Sur un plateau presque nu, quatre interprètes donnent corps à cette histoire. Par la collision de leurs postures et de leurs discours, c’est une violence sournoise : celle des rapports sociaux, de l’homophobie ambiante, du racisme ordinaire, qui se fait jour. Une mise en abyme qui dépasse l’acte barbare de Réda pour remonter au racines du mal et en dénoncer les mécanismes.

Le tout orchestré d’une main de maître par Thomas Ostermeier au rythme de la batterie et du clavier électronique de Thomas Witte. A l’abri de séquences vidéo et dans un enchaînement opposé de scènes et de situations, constituant autant de contrechamp narratif, on est tour à tour plongé tantôt dans l’appartement, l’hôpital, le commissariat, la rue, la maison de la sœur d’Édouard et toujours au plus près de cette spirale de la violence dont chacun des protagonistes, composent des visions éclatées et concurrentes du drame.

Dans le rôle d’Edouard Louis, (le narrateur) Laurenz Laufenberg est magnétique d’intensité. Il irradie la scène d’une sensibilité et d’une fragilité mêlées. Renato Schuch incarne un Reda aussi intriguant que mençant de séduction, tandis que Christophe Gawenda dans le rôle du beau frère, de l’infirmier, du policier et de la mère d’Edouard n’est pas en reste. Quant à Alina Stiegler, qui joue Clara, la sœur du héros et d’autres personnages, elle est d’un naturel épatant.

Dates : du 30 janvier au 15 février 2020 – Lieu : Théâtre des Abbesses (Paris)
Metteur en scène : Thomas Ostermeier

NOS NOTES ...
Originalité
Scénographie
Mise en scène
Jeu des acteurs
Si le droit mène à tout à condition d'en sortir, la quête du graal pour ce juriste de formation - membre de l'association professionnelle de la critique de théâtre de musique et de danse - passe naturellement par le théâtre mais pas que où d'un regard éclectique, le rédac chef rend compte de l'actualité culturelle.
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