Elle, un thriller aux bases solides mais pas assez audacieux de Paul Verhoeven
Paul Verhoeven signe un retour très francophile avec un Elle au casting 100% tricolore. Isabelle Huppert, Laurent Lafitte, Virginie Efira et Anne Consigny sont les personnages ambivalents d’un scénario idéalement basé sur des fondations complexes et perverses. Si le contexte sème les doutes et les embuches dès le départ, avec un potentiel de stupre alléchant, le réalisateur ne pousse pas suffisamment le concept. Huppert / Verhoeven, l’alliance promettait un no limit captivant mais le film ne sort pas du cadre, dommage.
Paul Verhoeven traine une réputation sulfureuse depuis des années 80 passées sous les projecteurs. De 1987 avec Robocop jusqu’à 1997 avec Starship Troopers en passant par Total Recall, Basic Instinct et Showgirls, le réalisateur hollandais s’est fait une place au soleil d’Hollywood. Pas un film sans scandale, pas un opus sans son lot de controverses. De quoi le renforcer dans ses ambitions et lui donner une réputation unique. Difficile cependant d’enchainer les coups de massue ad vitam aeternam sans s’essouffler. L’heure est venue pour lui d’entretenir son aura de stupre avec des scénarios de moins d’envergure mais non sans ambition. Et ô surprise, il revient après une pause de 4 ans avec un film franco-français. Et Isabelle Huppert annonce la couleur dès l’affiche. Regard ambigu, une main tient un rideau dans l’ombre, l’ambiance sera forcément pesante.
Les ingrédients du thriller sont distillés avec délectation. Un passé trouble, une personnalité difficile à cerner, des comportements imprévisibles, Isabelle Huppert joue l’équivoque, attisant l’imagination. Et justement, le spectateur attentif est prêt à imaginer les pires extrémités, les dénouements les plus puissants et les retournements les plus scabreux. Sans en avoir hélas pour ses efforts intellectuels. Sans trop en dire, l’héroïne Michèle mène son business et une histoire tragique empreint autant son passé que son présent. Quand des voisins se rapprochent d’elle, les rapports se font ambigus… Agressée par un inconnu cagoulé, sa vie prend un tournant surprenant. Voilà, difficile d’en dire plus sans spoiler le film. Isabelle Huppert multiplie les mimiques, les poses, les réflexions, c’est un plaisir à chaque fois renouvelé. Surtout qu’elle fait preuve d’une sobriété à toute épreuve, amenant une belle dose d’incertitude.
Le décor est planté, ne reste plus au scénario qu’à mener le spectateur par le bout du nez et à le surprendre. Et justement, le départ pétaradant s’installe vite dans un surplace frustrant. Isabelle Huppert plante des graines qui ne donnent pas beaucoup de fruits. Laurent Lafitte peine à communiquer sa duplicité, Anne Consigny reste constamment en retrait et Virginie Efira joue les utilités.
Michèle fait partie de ces femmes que rien ne semble atteindre. À la tête d’une grande entreprise de jeux vidéo, elle gère ses affaires comme sa vie sentimentale : d’une main de fer. Sa vie bascule lorsqu’elle est agressée chez elle par un mystérieux inconnu. Inébranlable, Michèle se met à le traquer en retour. Un jeu étrange s’installe alors entre eux. Un jeu qui, à tout instant, peut dégénérer.
Sortie : le 25 mai 2016
Durée : 2h10
Réalisateur : Paul Verhoven
Avec : Isabelle Huppert, Laurent Lafitte, Virginie Efira, Anne Consigny
Genre : Thriller
https://youtu.be/YqGJtnKZ2vs
Ce film est l’adaptation du livre de Philippe Djian « Oh… » que nous avions chroniqué sur Publik’Art.
Elle est fidèle à l’univers du livre très bien rendu qui met à l’œuvre la duplicité des personnages, l’immoralité, la perversité psychologique où chacun des protagonistes n’est ni tout à fait blanc, ni tout à fait noir, mais blanc et noir. Car aucune certitude n’est permise avec Djian, sachant que c’est là toute la force de sa littérature et sa déstabilisation aussi.
Le tout porté par une Isabelle Huppert qui rivalise d’ambiguïté, d’étrangeté et de force sourde.