La carrière discographique du groupe The Velvet Underground se limite à 3 années et 4 albums sortis entre 1967 et 1970, mais le groupe a marqué au fer rouge des générations de fan de rock avec ses titres sans concessions, surtout sur les 2 premiers albums avec des partis pris à la marge du rock system. La BD dessinée et scénarisée par Prosperi Buri aux éditions Dargaud revient en détail sur une histoire d’espoirs et de luttes pour s’imposer et communiquer un art brut au plus grand nombre, difficilement pendant la période d’activité du groupe, mais avec succès depuis sa dissolution, comme le montre le nombre impressionnant d’artistes influencés par cette oeuvre unique dans son exigence.
Un groupe mythique revisité avec humour
La BD débute avec deux scènes qui font référence aux origines du groupe. D’abord Andy Warhol va assister au concert d’un jeune groupe alors inconnu dans la cave d’un bar à touristes de New York. Il est d’abord réticent mais tombe immédiatement sous le charme des titres et du chanteur. Puis un jeune Lewis Reed détalle du cocon familial pour échapper à des séances d’électrochocs. Si la vérité est quelque peu différente selon les biographes pour cette seconde anecdote, le ton est donné. Celui qui insiste pour se faire appeler Lou a commencé à écrire des poèmes et des chansons très jeune pour évoquer sa psyché tourmentée, avide de substances illicites pour échapper à une réalité quotidienne décevante et aux attirances physiques alors mal vues. La BD retrace son histoire avec force détails, n’oubliant ni sa rencontre fondamentale avec l’artiste de musique concrète John Cale ni ses recherches de drogue sur Lexington Avenue. Les traits quasi enfantins du dessin de l’auteur français autodidacte Prosperi Buri mettent à distance les côtés les plus sordides de l’existence du chanteur et choisit l’humour pour accompagner les péripéties d’une aventure jalonnée d’esclandres. C’est la rencontre avec le mythe vivant Andy Warhol qui permet au groupe initialement formé de Lou Reed, John Cale, Sterling Morrison et Maureen Tucker de trouver des concerts et d’enregistrer un premier album rentré depuis dans la légende. Si l’album à la banane a été un échec commercial à sa sortie, rejeté par les médias et très mal distribué, son aura a traversé les frontières et les âges, avec ses chansons évoquant pêle-mêle les effets de la prise d’héroïne, le New York interlope jonché de travestis et de junkies, ou les mœurs masochistes. L’auteur n’hésite pas à évoquer les difficultés du groupe pour se faire une place sur la scène rock et les addictions de membres perpétuellement sur la brèche faute de promotion suffisante. La BD continue avec l’évocation du caractère de plus en plus autodestructeur de Lou, qui se débarrasse d’abord d’un Andy Warhol de moins en moins investi, d’un John Cale désabusé et qui tombe sous la coupe d’un producteur véreux qui impose le jeune Doug Yule dans le groupe. Les dialogues sont souvent drolatiques, le ton de la farce est préféré par l’auteur à un ton plus dramatique, avec des Moe et Sterling en chroniqueurs amusés des aventures de plus en plus désastreuses du groupe.
La BD est clairement destinée aux fans avec ses références précises et sa narration proche de la vérité historique, mais les moins connaisseurs trouveront matière à rentrer dans un univers fascinant, jusqu’à peut-être se risquer à écouter des albums à découvrir absolument du Velvet Underground. Merci Prosperi Buri!
Synopsis: En 1964, rien ne laisse présager que la rencontre entre un jeune new-yorkais accro aux médicaments, Lou Reed, et un Gallois pédant et multi-instrumentiste, John Cale, allait aboutir à la création du groupe de rock le plus scandaleux et original de son époque. En moins de dix ans, ils vont chambouler tous les codes musicaux, artistiques et culturels et influenceront des générations de musiciens. Prosperi Buri, avec son humour acide, décrit ces années de bruits et de fureur, pour un portrait à la fois juste et sans complaisance.
Editeur: Dargaud
Auteur: Properi Buri
Nombre de pages / Prix: 80 pages / 16,50 euros