Un Vendeur pas très vendeur
Vendeur promettait une rivalité shakespearienne entre un père expert en discours commercial et son fils en mal d’affection paternelle. Le trailer mettait en avant Gilbert Melki et Pio Marmai dans un déluge de répliques piquantes et une atmosphère intense, voire anxiogène. Passes d’armes et inimité ont bien lieu… mais le reste ne suit pas. Problème de rythme ? D’implication ? De préparation ? Le doute subsiste…
Gilbert Melki aime interpréter ces personnages ambigus au sourire carnassier et au regard réprobateur. En légende de la vente de cuisines, il est Serge, et fait une entrée fracassante. Dès les premières minutes, il impose son charisme à ses partenaires autant qu’au spectateur. La dose parfaite de discours, un redoutable charme dans les affaires et une impassible économie de moyens en privé. Un personnage que l’on aime voir évoluer, ébranlé par les coups du sort, poussé à terre mais que rien ne peut empêcher de se relever. Quand son fils perdu de vue débarque dans son existence, il ébranle ses douces certitudes. Ne voulant pas le voir suivre le même chemin, il doit réagir et faire le choix de ses priorités. Voilà, intrigue passionnante, promesse de coups de théâtre… mais…
Le film peine à décoller tout du long. Après l’esbroufe des débuts, le film s’endort dans une constante introspection qui frise la léthargie. Serge se transforme en légume mi-cuit, engoncé dans un doute paralysant. L’ampleur des coups de théâtre est constamment amoindrie par ce mal bien français de privilégier les regards intenses mais inexpressifs à l’action. Le montage est classique, ce qui n’est pas un mal en soi, mais il endort le spectateur par ces discussions longuettes et la lenteur du déroulé. Sans regretter l’absence de montage un peu plus nerveux ou de personnages aux expressions plus puissantes, il faut bien admettre que le film peine à décoller. Cette histoire d’homme engoncé dans sa vie de super vendeur et qui a tout sacrifié à sa carrière contient tous les ingrédients du film puissant. Mais pas suffisamment exploités.
Le meilleur exemple est cette call girl interprétée par Sara Giraudeau, qui passe quelques fois mais sans jamais rien apporter à l’intrigue. Le vieux lion boit (beaucoup), fume (trop), sniffe (c’est mal), vogue d’une zone industrielle à une autre mais rien n’accroche vraiment le spectateur dubitatif. Quant à Pio Marmai, il est une victime éblouie par les soirées galvanisantes du vendeur de province. Avec toujours cette mine ébahie qui lui sied si bien dans les comédies sans vraiment lui convenir ici dans ce contexte plus belliqueux. Quant à l’apparition d’un grand père paysan et bonhomme, l’intérêt est quasi nul…
Une vraie réussite tout de même, cette bande son accrocheuse qui rappelle les rythmes jazzy de batterie dans Birdman. Time of the season des Zombies est entendue dans le trailer et prend une belle place dans un moment clé. D’autres chansons moins connues participent à l’ambiance générale.
Ce Vendeur laisse un gout amer dans la bouche. Il aurait pu filer vers les étoiles mais reste en vol géo stationnaire. Et pourtant… Bref, une déception personnelle.
Sortie : le 4 mai 2016
Durée : 1h29
Réalisateur : Sylvain Desclous
Avec : Gilbert Melki, Pio Marmai, Sara Giraudeau
Genre : Drame