3 frères à la croisée des chemins dans Dépendances au Studio Hébertot
Dépendances voit deux comédiens occuper la scène du Studio Hébertot une heure et demie durant avec une tension croissante. Ils sont Henri et Tobias et l’amabilité n’est pas leur fort. Une malle entière de discordes semble les séparer tandis qu’ils attendent leur 3e frère Carl dans l’appartement familial délabré pour discuter d’une affaire de succession. Tout les oppose et ils vont mettre à profit l’attente pour discuter et sortir chacun de leurs coquilles, presque involontairement mais inévitablement.
L’accouchement des sentiments
Charif Gattas est un auteur libanais à la cote montante dans le landerneau parisien. Ses pièces sont de plus en plus adaptées au théâtre pour des moments de psychologie mêlés de silences lourds de sens et de révélations inattendues. Dépendances ne coupe pas à la règle. Dès leurs retrouvailles, aucun des deux frères ne semble heureux de se retrouver là. Henri (Thibault de Montalembert) doit repartir en avion le soir même et Tobias (Francis Lombrail) doit rapidement retourner sur un chantier. Le rendez-vous a été fixé à 14h avec leur frère Carl et aucun d’eux ne semble vouloir s’éterniser. La scène ne contient qu’une table formée de tréteaux et accompagnée de chaises, ils se sont retrouvés dans l’appartement familial déserté et en sérieux besoin de rafraichissement. L’heure passe, leur frère se fait attendre et alors que les deux personnages occupent le temps et l’espace, les discussions cessent d’être générales pour se focaliser sur leurs caractères respectifs, leurs tempéraments différents et leurs souvenirs communs. L’auteur a bien appris son Samuel Beckett en brouillant les pistes pour mieux dévoiler la vérité de cette famille dysfonctionnelle blessée par la vie. La sensibilité de l’un et la force de l’autre finissent par se confondre en abolissant les différences. L’atmosphère irrespirable de ce huit clos étouffant prend les spectateurs aux tripes en révélant une tendance bien humaine, faite de timidité, de peur et de pudeur, de se protéger contre autrui de peur d’être blessé alors que le retrait lui-même blesse l’autre. Comment se positionner pour éviter les malentendus et les désaccords? Les deux comédiens jouent de leur naturel pour faire presque oublier qu’ils sont sur une scène, rappelant à chacun de possibles tourments familiaux qui ne laissent personne indifférents et ne guérissent jamais vraiment.
Dépendances se joue jusqu’au 29 avril au Studio Hébertot pour une courte période de représentations. Il faut vite réserver une place pour ne pas laisser passer le train de la fêlure familiale, habilement jouée par deux comédiens au diapason.
Dates : du 18 au 29 avril 2018, du mardi au samedi à 19h, le dimanche à 17h
Lieu : Studio Hébertot (Paris)
Metteur en scène : Charif Ghattas
Avec : Francis Lombrail et Thibault de Montalembert