A la folie, un film de Wang Bing
Publik’Art avait découvert Wang Bing en 2012 avec son très beau film documentaire : Les sœurs de Yunnan. Cette fois-ci, Wang Bing s’attaque à un monde très spécial : le monde de la folie. Il filme, caméra au niveau du ventre, dans un hôpital psychiatrique, qui ressemble davantage à un asile, des personnes internées. Il a filmé plus de 300h pour au final sortir un documentaire, A la folie, de près de 4h.
Sortie : le 11 mars 2015
Durée : 3h47
Avec : les malades eux-mêmes
A la folie, un film de Wang Bing
Bien sûr, cette durée inhabituelle peut faire fuir les cinéphiles. Une entracte a été faite, au milieu du film, pour se dégourdir les jambes, et je peux vous dire qu’aucune personne n’est partie avant la fin du film !
La caméra de Wang Bing ne joue pas l’intruse. D’ailleurs les personnes filmées la regardent comme une amie ou comme quelque chose qui fait partie de leur décor. Visiblement, la caméra ne les gêne pas du tout.
Wang Bing ne va pas émettre de commentaires, comme à son habitude. A nous de le suivre. A nous d’entrer dans son monde. On ne sait rien sur les personnes internées, ou quasiment rien. On les voit juste vivre, ou plutôt essayer de survivre dans des conditions de vie inhumaine. C’est l’hiver, il neige, et tout est ouvert sur l’extérieur. Pas de chauffage. On imagine alors le froid qu’ils doivent endurer. Certains sont tout nus. Un malade se verse de l’eau froide, plusieurs fois, sur son corps nu. Personne n’est là pour les surveiller, les encadrer, les aider. Sauf au moment de la prise des médicaments.
A la folie, un film de Wang Bing
Il fait sûrement très froid, mais ils se réchauffent comme ils peuvent. Ils dorment à trois dans le même lit, sans jamais se battre. Au contraire, entre eux, règne une vraie fraternité. Ils se consolent, se caressent, se donnent de l’affection, une sorte d’amour. Pas une seule fois, on ne voit de bagarre. Le monde dans lequel ils vivent est hors temps, calme et drogué. Ils sont seuls et en même temps, ils sont entourés de frères. Ils partagent, tout ou presque. Ils vivent dans une prison mais entre eux quelque chose d’incroyable les lie. Ils partagent ce qu’ils peuvent partager. Tout est sale, très sale même. Certains font leurs besoins n’importe où. On imagine alors les odeurs que doivent supporter les malades.
Comment ne pas devenir fou enfermé dans cet hôpital, en faisant le tour circulaire de l’étage, de jour comme de nuit, en marchant ou en courant ? En longeant des grilles ?
On apprendra à la toute fin du film le melting-pot des internés. Ils ne sont pas tous malades psychiques puisque certains opposants au régime y sont aussi internés…
En faisant ce film, le réalisateur a-t-il sans doute voulu dénoncer les pratiques barbares qui s’y pratiquent. Acte politique ? Acte de remise en cause du régime ? Ou simplement acte de sensibilisation de l’Occident à ce qui se passe en Chine encore au XXI siècle ?
Wang Bing dit qu’il a simplement voulu montrer les conditions de vie de ces personnes enfermées.
De toute manière, quelque que soit la finalité profonde du réalisateur, son film restera gravé longtemps dans nos mémoires, hélas. Avec un immense sentiment d’impuissance et de révolte. Et jamais les 3h47 du film ne nous ont été pénibles. C’eut été un comble en regard de ce que ces personnes endurent au quotidien.
Film vrai, film dur, film témoin. Encore un chef d’œuvre de Wang Bing.
Bande annonce du film : A la folie, de Wang Bing :
Carrément choquant ! Comment des conditions de vie pareilles peuvent-elles exister aujourd’hui ? C’est bouleversant.