Abigail’s Party fait hérisser les poils au Théâtre de Poche Montparnasse
Quand une soirée entre voisins vire au règlement de comptes, le Théâtre de Poche Montparnasse n’hésite pas à prêter sa scène principale pour offrir un spectacle grinçant et perturbant. Les 5 personnages du téléfilm de 1977 réalisé par le réalisateur anglais Mike Leigh sortent de leur bulle dorée pour se confronter à leurs velléités sociales et tomber le masque. Mis à nus, ils ne sont plus que des marionnettes ridicules et défaites. Une pièce qui dérange volontairement dans un savoureux exercice de style.
Un petit théâtre de la vie
Le metteur en scène Thierry Harcourt fait revivre les années 70 à grand renfort de couleurs criardes et de coiffes choucroutées. Le décor renvoie à l’époque du téléfilm initial, farce burlesque et cruelle prenant pour cible des personnages factices en perpétuelle représentation. La maitresse de maison Beverly fait tout mettre ses invités à l’aise, multipliant les effets de manche et les remarques outrancières. La pièce met face à elle des individus qui tentent de jouer le jeu mais qui ne sont pas tous dupes de la mascarade. Si la jeune Angela éprouve de la fascination et si son mari Tony se laisse gentiment séduire, ni Peter le mari de Beverly ni la voisine Susan n’apprécient la comédie. Les aficionados de Mike Leigh feront un parallèle entre l’hôte délurée et la personnage agaçante de Be Happy. A trop surjouer la joie et l’excitation permanente, plus rien ne parait authentique.
L’agacement jusqu’à la rupture
Mike Leigh aime à jouer la révélation du moi profond jusqu’à flirter avec la caricature. Lara Suyeux est crispante à souhait, maitresse de maison tyrannique et hôte inconséquente à toujours forcer ses invités à boire toujours plus de cocktails jusqu’à l’enivrement. Sa perruque rousse accentue une apparence démoniaque qu’elle peine à réaliser. Face à elle, la ravissante Alexie Ribes aperçue dans le récent The Servant mis en scène par le même Thierry Harcourt joue à merveille la victime consentante. Face à elle, Cédric Carlier mélange rage contenue et manifestations enthousiastes dans une savoureuse duplicité. Quant à Dimitri Rataud et Séverine Vincent, ils refusent toute naïveté feinte, confrontant leurs semblables à la plus crasse vérité. La pièce divisera les agacés d’un premier degré perturbant et les adeptes d’une vision sociale pitoyable renvoyant à une réalité certaine.
Abigail’s Party joue le jeu de l’outrance pour faire ressortir les traits les plus factices de personnages perdus dans leur solitude profonde. Car telle est la conclusion fatale de ce moment de théâtre réjouissant. Au final, nous sommes toujours seuls avec nous mêmes quand le rideau tombe…
Dates : A partir du 31 janvier 2017
Lieu : Théâtre de Poche Montparnasse (Paris)
Metteur en scène : Thierry Harcourt
Avec : Cédric Carlier, Dimitri Rataud, Alexie Ribes, Lara Suyeux, Séverine Vincent