Algériennes 1954-1962 aux éditions Marabout, une BD forte en émotions
Si la guerre d’Algérie est un souvenir douloureux des deux côtés de la Méditerranée, l’autocritique n’a jamais été l’apanage d’aucun des belligérants. La BD Algériennes 1954-1962 rouvre le lourd volume des griefs respectifs pour donner la parole à celles que l’histoire a mises de côté, toutes ces femmes françaises d’Algérie ou algériennes qui ont souffert du conflit ou au contraire participé aux combats avec toutes les mesures de rétorsion venant de tous côté et qui ne les ont pas épargnées. Pas une page d’Algériennes 1954-1962 n’ouvre des vérités tues et proprement étonnantes. Bien sûr ce ne sont que des points de vue subjectifs, mais ils offrent un éclairage saisissant sur un épisode sensible de l’histoire contemporaine qui n’a pas fini de se dévoiler, avec finalement la nécessité finale du pardon et du vivre ensemble pour refermer définitivement ce chapitre.
Une guerre sale
Quand les populations indigènes et celles provenant de l’immigration se disputent une même terre, les possibilités de conflit sont nombreuses et les souvenirs sont trop intolérables pour être facilement racontés. L’héroïne Béatrice refuse le silence de son père appelé en Algérie au temps du conflit et elle se met elle-même en quête de témoignages pour en savoir plus et recoller les morceaux entre mensonges éhontés et vérités cachées sous le tapis. Elle part en Algérie et rencontre un large panel de femmes. D’anciennes combattantes, des victimes marquées à vie par les attentats ou les exactions, des femmes pied noir restées sur place, tous les témoignages offrent un éclairage nouveau sur une guerre finalement mal connue. Où l’on apprend que les deux camps ont multiplié les exactions, usage de la torture par les soldats français, vendettas sanglantes entre les groupes résistants algériens, la souffrance était la seule chose vraiment partagée par toutes les populations que le désir de liberté pour les uns et l’envie de ne pas partir pour les autres faisaient s’opposer. Le dessin très BD belge de Deloupy met sobrement à distance les souvenirs effroyables relatés par les femmes interrogées, car dans le même temps le scénario de Swann Meralli n’est pas avare de détails et d’éclaircissements, parfois vraiment pénibles. Lorsque les hommes s’arrogeaient la palme de la barbarie et de l’impunité, les femmes étaient aux premières loges des victimes.
Algériennes 1954-1962 est une BD tout bonnement nécessaires pour comprendre et permettre la réconciliation. Car les souffrances ne sont jamais aussi fortes que lorsqu’elles sont oubliées et niées. La situation était complexe en diable, cette bande dessinée est une bonne occasion pour mettre les points sur les i et faire un constat final.
La guerre d’Algérie, cette guerre qui n’était pas nommée comme telle, est un événement traumatisant des deux côtés de la Méditerranée. Ce récit raconte la guerre des femmes dans la grande guerre des hommes… Béatrice 50 ans, découvre qu’elle est une « enfant d’appelé » et comprend qu’elle a hérité d’un tabou inconsciemment enfoui : elle interroge sa mère et son père, ancien soldat français en Algérie, brisant un silence de cinquante ans. Elle se met alors en quête de ce passé au travers d’histoires de femmes pendant la guerre d’Algérie : Moudjahidates résistantes, Algériennes victimes d’attentat, Françaises pieds noirs ou à la métropole… Ces histoires, toutes issues de témoignages avérés, s’entrecroisent et se répondent. Elles nous présentent des femmes de tout horizon, portées par des sentiments variés : perte d’un proche, entraide, exil, amour…