
Quand Goethe publie son roman épistolaire Les souffrances du jeune Werther en 1774, il préfigure la grande période romantique à venir dans la 2e moitié du XIXe siècle non encore éclos. Musique, littérature, poésie, toute l’époque était empreinte de ce sentiment amoureux absolu et déchirant. La légende raconte que nombre suicides ont répondu au phénomène littéraire racontant une histoire d’amour impossible entre la belle et mariée Charlotte et le ténébreux Werther. Dans cette mise en scène au Théâtre des Champs Elysées (encore 5 représentations!) la très talentueuse et acclamée mezzo-soprano Marina Viotti est Charlotte (la Habanera de Carmen pendant la prestation metal de Gojira aux JO de Paris 2024, c’était elle) et le ténor franco-suisse Benjamin Bernheim interprète un Werther accablé par des sentiments contraires aux codes de son époque. Dans une mise en scène (excessivement?) minimaliste au mono-décor constitué d’un unique mur et d’une ouverture sur une (mystérieuse?) salle à manger, toute la place à laisser aux performances lyriques avec une distribution au diapason de l’oeuvre. Quand Massenet adapte plus d’un siècle plus tard le texte de Goethe, le romantisme bat son plein, l’amour est forcément absolu et l’intransigeance des sentiments passe pour de la dictature. Les passages marquants abondent (Mon âme a reconnu votre âme, Les larmes qu’on ne pleure pas dans notre âme retombent toutes) et la musique orchestrée par Marc Leroy-Calatayud avec l’orchestre Les Siècles transcrit avec talent la musique de Massenet, quitte à parfois recouvrir de son des paroles des ténors. Le résultat tient du miracle, l’intensité prend aux tripes, le coeur tressaille, la mezzo-soprano est éblouissante, le ténor est acclamé pendant le célèbre passage du printemps (Pourquoi me réveiller, ô souffle du printemps), la salle est transportée. Et comme le spectacle dure moins de 3h, l’attention de l’audience n’a pas le temps de diminuer dans le bel écrin du TCE. Le drame lyrique est une splendeur et nul doute que les quelques imperfections seront gommées au fur et à mesure de encore 5 dates restantes. Si quelques incompréhensibles huées ont parasité la salve d’applaudissement finale (réaction puérile à la scénographie certes sommaire mais dans le ton du spectacle), un sentiment de plaisir immense persiste longtemps après la clôture du spectacle, et c’est bien l’essentiel, confirmant la place centrale du TCE dans le monde lyrique parisien.
Synopsis: On le sait depuis longtemps… Les histoires d’amour à l’opéra ne sont pas toujours heureuses. Lorsque Goethe publia ses Souffrances du jeune Werther, l’histoire de Charlotte et de son prétendant connut un succès tel qu’elle provoqua ce que l’on appela la « fièvre werthérienne », causant les suicides de jeunes gens prêts à tout pour imiter les héros romanesques. Plus d’un siècle plus tard, en plein romantisme français, Massenet s’inspira de l’histoire de cet amour impossible et signa avec elle son œuvre majeure. Tout en utilisant les ressources du grand orchestre symphonique, il crée une atmosphère intime et pénétrante dont la meilleure illustration est sans nul doute le magnifique air « Pourquoi me réveiller, ô souffle du printemps… »… véritable « tube » du plus sensible des opéras de Massenet. Benjamin Bernheim et Marina Viotti seront les amants malheureux de la soirée entourés d’interprètes français bien connus du public de l’avenue Montaigne (Jean-Sébastien Bou, Marc Scoffoni, Rodolphe Briand) rejoints par Sandra Hamaoui et Yuri Kissin. En fosse, Les Siècles dans un répertoire que les musiciens pratiquent avec un bonheur « historique ».
Coproduction Théâtre des Champs-Elysées | Teatro alla Scala
En partenariat avec france.tv
France Musique enregistre cet opéra
Dates de représentations:
25 / 28 / 31 mars
3 / 6 avril