Au Rond-Point, la masculinité à l’épreuve

Au Rond-Point, la masculinité à l’épreuve
(©) Marc Domage

Au Rond-Point, la masculinité à l’épreuve

On entre dans « Débandade » comme on débarque dans une fête où l’on ne sait ni qui a lancé l’invitation ni quel sera le premier toast porté à la masculinité.

Et c’est peut-être cela la vraie ambition de la pièce : ne pas traiter la masculinité comme un concept, mais la laisser surgir en désordre, en fragments, en éclats contradictoires, avec la même imprévisibilité que ces conversations qu’on a lorsqu’on ouvre un micro-trottoir à des hommes interrogés sur le sujet.

La chorégraphe Olivia Grandville ne construit pas un programme, elle tisse un kaléidoscope. Sur un plateau dépouillé mais précis, les corps, les voix, les musiques et les images s’entrechoquent.

On éprouve à la fois la douceur d’un solo vulnérable et la brutalité joyeuse d’une danse collective qui s’emballe, brouillant les genres comme on brouille une partition trop sage.

Grandville assemble des matériaux hétérogènes — gestes quotidiens, solos plus écrits, adresses au public, fragments musicaux — sans jamais les lisser.

Une grammaire en déséquilibre

Avec cette esthétique donc qui repose sur cette tension permanente entre construction et effondrement : une forme qui s’expose en train de se faire, et parfois de se défaire.

Les interprètes deviennent alors des figures mouvantes, jamais figées dans un rôle. Ils endossent des postures viriles, les surjouent, les abandonnent aussitôt.

Le plateau fonctionne comme un laboratoire sensible où la masculinité n’est pas tant analysée que mise en crise par la forme elle-même. Ce sont les choix esthétiques — fragmentation, ruptures de rythme, instabilité des registres — qui produisent le sens.

La musique, souvent intrusive, parfois assourdissante, agit comme un contrepoint brutal à la danse. Elle ne soutient pas le mouvement : elle le heurte. Elle participe à cette sensation de débordement constant, d’énergie qui refuse de se canaliser.

Une forme qui consiste à ne pas déconstruire la masculinité en martelant une idée préconçue, mais en la laissant se déconstruire elle-même sur scène, dans ses contradictions, ses postures clichées, ses moments de grâce et de déroute.

La scène devient un lieu de haute volée et de joyeux désordre, où la virilité explose en rires, en geste et en confession.

Et quand tout pourrait basculer dans la caricature, la chorégraphie fait surgir une vulnérabilité désarmante, un petit espace de sensibilité qui déstabilise le regard et invite à repenser l’image de l’homme non pas comme une figure monolithique mais comme une fragmentation complexe, contradictoire, en mouvement.

Et de ce questionnement incessant émerge une cohérence singulière. Une beauté rugueuse. Une poésie de l’excès et de la faille, si propre au lâcher-prise.

 Dates : du 17 au 20 décembre 2025 – Lieu : Théâtre du Rond-Point (Paris)

NOS NOTES ...
Originalité
Scénographie
Chorégraphie
Amaury Jacquet
Si le droit mène à tout à condition d'en sortir, la quête du graal pour ce juriste de formation - membre de l'association professionnelle de la critique de théâtre de musique et de danse - passe naturellement par le théâtre mais pas que où d'un regard éclectique, le rédac chef rend compte de l'actualité culturelle.
au-rond-point-la-masculinite-a-lepreuve Au Rond-Point, la masculinité à l’épreuve On entre dans "Débandade" comme on débarque dans une fête où l’on ne sait ni qui a lancé l’invitation ni quel sera le premier toast porté à la masculinité. Et c’est peut-être cela la vraie ambition de la pièce :...

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici