
Aznavour entre danse et mémoire
Comment se replonger dans la trajectoire et le répertoire d’Aznavour sur la scène, sans tomber dans le piège du simple hommage ou de la froide reconstitution ? Le pari était risqué : la compagnie Petrossian Theatre, relève ce défi en mêlant ballet contemporain et inspiration théâtrale.
Ce ballet théâtral donc ne joue ni la carte du biopic ni celle du concert nostalgique. Ici, la parole se tait et le corps se souvient. Plus de trente artistes s’élancent sur la scène de Bobino, portés par les chansons de l’artiste comme celles des « Deux Guitares », « La Mama », « À ma fille », « Désormais », « Can Can », « Jezebel », « La Bohème », « Elle » et bien d’autres encore.
Une trame dansée pour dessiner en gestes et fusion des corps la trajectoire d’une vie cabossée et lumineuse.
Une trajectoire iconique
La première partie se grise d’enfance et de rêve, déployant, dans une chorégraphie ciselée, l’éveil artistique d’Aznavour. On devine l’empreinte de l’Arménie et les ombres incontournables de Piaf, Sinatra ou encore Fred Astaire, chacun esquissant leurs influences au détour d’un pas de deux aérien.
La seconde, plus introspective, s’empare de la maturité du chanteur. Les mouvements deviennent plus enroulés, le rythme se charge d’un passé qui pèse, mais la grâce persiste : mention spéciale à l’interprétation de « La Bohème » et son évocation sensorielle. La convocation aussi de Liza Minnelli.
Une fresque en clair-obscur où les tableaux s’enchaînent sans temps mort, passant de la tendresse à la rage en un clin d’œil. Si la mise en scène fleurte avec le kitsch, elle ne s’y noie jamais, esquissant le music-hall, le tango, le ballet russe et même une pointe de cabaret, comme pour rappeler qu’Aznavour fut tout cela à la fois – et tellement plus encore.
Des chaises, une ombre portée suffisent à évoquer un Paris d’outre-mémoire. La troupe du Los Angeles Ballet, d’une précision clinique, parvient à injecter de l’organique dans l’abstraction. La troupe épouse la célébration du spectacle en passant par l’intime, le tremblé, le presque-dit.
Et que dire de la musique, fil rouge multilingue – français, anglais, arménien, russe qui transporte le spectateur dans un tour du monde émotionnel, fidèle au métissage du chanteur globe-trotteur. La troupe affiche une belle homogénéité emmenée par la performance incandescente du soliste principal, dont chaque envolée, chaque saut, chaque pas, semble crier le nom d’Aznavour et son héritage à la scène, à la vie.
L’alchimie entre les danseurs de la compagnie portés par une énergie sensible, fonctionne bien, offrant des moments poétiques, où l’émotion n’est jamais sacrifiée à la technique.
Dates : du 18 au 20 juillet 2025 – Lieu : Bobino (Paris)