Opéra National de Paris – Palais Garnier du 3 au 20 février 2015
Avec deux créations et deux reprises, élaborées pour le Ballet de l’Opéra, ce programme met en correspondance les univers de chorégraphes contemporains qui se confrontent, chacun à leur manière, à la virtuosité académique dont ils explorent et revisitent le geste.
La soirée débute avec « Répliques« , sur la musique spatiale de György Ligeti où Nicolas Paul interroge la symbolique du reflet, du double et du miroir à travers une déconstruction du mouvement et sa complexité entre extrême rapidité et immobilité. Le regard scrute la part suspendue du mouvement qui apparait derrière la technique du geste, à l’instar du négatif d’une photo que le développement révèle, et que la scénographie changeante de l’architecte Paul Andreu en arrière-plan accompagne dans son dévoilement pour une traversée sensible et poétique.
On poursuit la programmation par l’arrivée de 16 danseurs en costumes noirs et blancs : tutus, vestes et collants pour ”Salut” de Pierre Rigal sur une bande-son d’applaudissements et qui donne à voir une déclinaison de ce fameux geste à l’abri d’une gestuelle géométrique et cadancée.
Accompagné du musicien Joan Cambon, qui a signé plusieurs de ses créations, le chorégraphe entraîne les danseurs dans une œuvre intrépide et audacieuse où se parcourent les sensations de félicité, de peur, de menace, de sursit ou de libération, liées au processus du rituel du salut. Le tout poursuivant une transformation du geste emblématique par une déstructuration progressive jusqu’à sa finitude puis sa renaissance pour un nouvel accomplissement.
S’enchaine ”Together Alone”, de Benjamin Millepied, sur un piano de Philip Glass, qui réunit Aurélie Dupont et Marc Moreau – l’histoire d’un couple qui se rejoint, s’éloigne et se retrouve – pour un duo où se revisite un pas de deux aussi naturel que léger. Où l’écriture ample, sensuelle et fluide de Millepied est un petit miracle.
Enfin, « AndréAuria » d’Édouard Lock renouvelle le vocabulaire classique sur une musique cristalline de David Lang où les danseurs chaussés de pointes, support acéré à une polyphonie du corps, défient la vitesse et l’équilibre les poussant à dépasser leurs limites. Les lumières jouent comme des zooms qui focalisent les strates imprimées par la tension des corps. Et dans ce répertoire technique de haut vol, Alice Renavand et Stéphane Bullion irradient la scène d’une dextérité hypnotique.