Le film Belfast même plusieurs histoires dans un récit passionnant. Celle d’un jeune enfant nommé Buddy au cœur d’un quartier de Belfast, avec ses joies et ses espoirs. Et puis le réalisateur ne cache rien à l’antagonisme meurtrier entre communautés catholiques et protestantes, jusqu’aux attentats et aux affrontements. La galerie de personnages se débat entre misère économiques, contraintes de trouver du travail et chaos social ambient. Le film est une belle fresque illustrant une époque pas si lointaine où l’Irlande du Nord était constamment au bord du gouffre.
Des souvenirs à la fois heureux et douloureux
La grande question soulevée par le film est celle du départ. Partir pour trouver la paix, partir pour trouver du travail, partir pour fuir la guerre. Car l’IRA est un personnage caché mais omniprésent d’un film riche en tensions diverses. Tensions familiales, poids des dettes impossibles à recouvrer, omniprésence des troupes anglaises venues pour rétablir l’ordre. Les plus jeunes ne se souviennent pas d’une lutte pour l’indépendance de l’Irlande face à la grande puissance anglaise, pas encore résolue aujourd’hui dans le territoire de l’Irlande du Nord toujours déchirée entre protestants et catholiques. Le film raconte une histoire d’enfance, d’hommes et de femmes obligés de se battre pour trouver leur place. Des scènes de violence égrènent le déroulement du film, avec cocktails Molotov et pavés lancés contre les vitres. Kenneth Branagh propose une chronique autobiographique en noir et blanc qui force le respect. Les chantiers navals étaient encore florissants, les mines de charbon engloutissaient encore une quantité de travailleurs, l’heure n’étais pas encore à la crise économique généralisée, toute une époque en somme. L’été 1969 chaud à tous points de vue permet de suivre le jeune personnage de Buddy, 9 ans seulement, au cœur d’une classe ouvrière qui se débattait face à un avenir incertain. Le film insiste sur l’importance d’une communauté chaleureuse et soudée bouleversée par l’arrivé de la télévision.
La photographie en noir et blanc de Haris Zambarloukos, directeur de la photo de Thor, Le Crime de l’Orient-Express et Artemis Fowl est une splendeur dans un film nostalgique et émouvant. Aux côtés du jeune héros, interprété par Jude Hill, Judi Dench, Jamie Dornan, Caitriona Balfe et Ciarán Hinds jouent tous de parfaites partitions dans un film récompensée du Golden Globe 2022 du meilleur scénario pour Kenneth Branagh et du Prix du Public au Festival international du film de Toronto 2021.
Synopsis: Été 1969 : Buddy, 9 ans, sait parfaitement qui il est et à quel monde il appartient, celui de la classe ouvrière des quartiers nord de Belfast où il vit heureux, choyé et en sécurité. Son existence bat au rythme de la vie du quartier, avec sa famille, l’école, ses camarades de jeu, au sein d’une communauté chaleureuse et soudée. Avec grands-parents, oncles, tantes et cousins dans les rues avoisinantes, il serait difficile de se perdre, et dans la pénombre des salles de cinéma comme à la télévision, les films américains font voyager et nourrissent l’imaginaire et les rêves de Buddy. Mais vers la fin des années 60, alors que le premier homme pose le pied sur la Lune et que la chaleur du mois d’août se fait encore sentir, les rêves d’enfant de Buddy virent au cauchemar. La grogne sociale latente se transforme soudain en violence dans les rues du quartier. C’est d’abord une attaque masquée, puis des émeutes, pour tourner en un conflit qui s’étend à toute la ville, attisé par les appartenances religieuses de chacun. Hier des voisins bienveillants, catholiques et protestants se métamorphosent en un clin d’œil en ennemis jurés. Buddy découvre le chaos et l’hystérie, un nouveau paysage urbain fait de barrières et de contrôles, et peuplé de bons et de méchants. Ce qui ne se jouait avant que dans les salles obscures menace tout ce qu’il connaît et qu’il aime. Affrontements et règlements de compte ont désormais lieu au pas de sa porte. Sa mère peine à faire tourner le ménage alors que son père s’absente par quinzaines pour aller travailler en Angleterre. Des milices s’organisent, la vie de nombreux innocents est menacée. Si Buddy sait quoi attendre de ses héros de celluloïd, de John Wayne à Gary Cooper, il se demande si son père saura se montrer à la hauteur ? Sa mère sera-t-elle prête à s’arracher à son passé pour assurer l’avenir de sa famille ? Comment savoir si ses grands-parents adorés resteront hors de danger ? Et comment s’y prendre pour gagner l’affection de la fille de ses rêves ? Les réponses à ces questions sont à trouver tout au long du chemin semé de violences comme de joies, de deuil comme d’espoir, que se fraye Buddy au milieu des pavés et des barricades, au son des rires et de la musique auxquels seuls les Irlandais ont le don de recourir quand tout s’écroule autour d’eux. Qu’y a-t-il d’autre à faire pour Buddy ? C’est le seul monde qu’il connaît. C’est Belfast.