Une belle histoire de femme à découvrir dans Choisir de vivre au Studio Hébertot
L’autobiographie de Mathilde Daudet est adaptée sur scène au Studio Hébertot par Franck Berthier dans un seul en scène tout en émotion. L’histoire de cet homme qui a fait le choix de devenir femme dans sa chair pour être en accord avec son moi profond ne peut pas laisser indiffèrent tant le propos est constamment empreint d’une profonde sincérité. La comédienne Nathalie Mann rend parfaitement justice à un ouvrage qui témoigne d’un parcours de vie longtemps passé à se cacher sous le masque de l’homme viril et respectable pour ne pas se dévoiler et faillir aux yeux des autres. Totalement habitée par son rôle et au bord des larmes lors des remerciements finaux, Nathalie Mann réalise une prestation exceptionnelle et transmet une émotion qui touche au coeur.
Une pièce sous le signe du dépouillement
Dès l’arrivée dans la salle, les spectateurs contemplent une scène jonchée de sacs plastiques vides pouvant figurer métaphoriquement le poids de la dissimulation autant que tous les obstacles à surmonter pour parvenir à devenir enfin soi-même. Car Choisir de vivre débute dans un hôpital où Thierry Daudet doit subir une opération chirurgicale définitive visant à le doter des attributs féminins. De manière compréhensible, l’homme appréhende la souffrance et le risque de ne pas se réveiller. Mais sa décision est prise, il vit depuis 50 ans aux côtés de Mathilde, son double intime, son moi profond et sa véritable identité, qu’il cache à tout le monde parce qu’aux yeux de tous, il est avant tout un homme. La pièce évolue rapidement vers des souvenirs d’enfance qui montrent un adolescent déjà tiraillé par l’envie de revêtir des habits de femme. Les parents se doutant de quelque chose, il doit s’évertuer à cacher ses aspirations profondes et donner le change, jusqu’à devenir un photographe de guerre présent dans les zones les plus chaudes de la planète, à la réputation de dur à cuire chevillée au corps. La comédienne Mathilde Mann se meut dans un espace réduit jonché de sacs et accompagnée d’une musique récurrente soulignant la teneur de ses propos tandis qu’elle figure physiquement l’incessant déchirement du personnage, se débattant sur scène et multipliant les regards intenses. Car l’homme mûrit, se marie, fonde une famille mais son obsession intime ne le quitte jamais, jusqu’à s’imposer à lui, Mathilde doit prendre vie. Ce constat fait basculer le personnage dans une évidence qui changera profondément son existence.
Un témoignage poignant
Raconter une histoire aussi intime a autant valeur de délivrance que d’apaisement. Mathilde Daudet a osé choisir sa vie en allant au bout d’elle même. L’adaptation de Franck Berthier ne travestit jamais cette intention en mettant au centre de la pièce ce tiraillement entre l’esprit et le corps, cette imprécation à fusionner les deux pour aboutir à une identité totale, sans compromis ni arrangements. L’émotion ressentie à la lecture de l’ouvrage de Mathilde Daudet est la même que celle ressentie au Studio Hébertot avec une démonstration in vivo d’un parcours intime singulier et impérieux. Loin de viser au prosélytisme, ce récit expose une vie passée à chercher l’authenticité de soi même la plus complète. Et la pièce retranscrit parfaitement cette volonté de ne pas se trahir et de cesser d’être un autre. Le spectateur imagine l’épuisement ressenti par le personnage à vivre une vie à l’opposé de ses aspirations, la comédienne le fait d’ailleurs parfaitement ressentir tout au long du spectacle. Jusqu’à la délivrance finale et la réunion du corps et de l’esprit dans une fusion libératrice.
Choisir de vivre au Studio Hébertot adapte parfaitement l’ouvrage de Mathilde Daudet et offre un moment de théâtre bouleversant sur une vie enfin complète après des décennies de turpitudes. Les applaudissement finaux pour Nathalie Mann et Mathilde Daudet présente dans la salle n’en ont été que plus étincelants!
Dates : Actuellement, mardi et mercredi à 19h, dimanche à 19h30
Lieu : Studio Hebertot (Paris)
Metteur en scène : Franck Berthier
Avec : Nathalie Mann