Call me by your name, une lucarne ouverte sur l’espace temps de l’adolescence
Call me by your name est un film qui se mérite. Perclus de longueurs (2h11 quand même), totalement dénué d’action, avec des retournements de situation languides et feutrés, sans compter les longs plans contemplatifs sur des visages prostrés et indolents, pourtant… le film recèle d’une magie qui captivera les spectateurs passionnés d’histoire simple et profonde, jusqu’à peut être confiner au chef d’oeuvre pour certains. Car Call me by your name compte tant de qualités qu’un long article ne suffira pas à les énumérer. Alors c’est parti.
Une fable teintée de dolce vita
Call me by your name se situe dans la douce campagne italienne, celle qui fait s’abaisser les barrières mentales et incite aux expériences estivales. Les abricotiers peuplent la vaste propriété des parents d’Elio Perlman (troublant Timothée Chalamet), jeune homme doué pour les notes de musique et encore inconscient de toutes les possibilités que la vie peut lui offrir. Son père est un fameux professeur de culture greco-italienne et il reçoit un étudiant pour l’assister pendant l’été dans ses travaux de recherche. Très mûr pour son âge, Elio est encore au temps des découvertes et il reste longtemps irrésolu quand un carrefour de possibilités s’ouvre à lui. Car l’arrivée d’Oliver (Armie Hammer) va le jeter dans un trouble qui va s’ajouter à celui déjà perçu face à toutes ces jeunes italiennes aux épaules dénudées et aux sourires aguichants. La caméra de Luca Guadagnino se laisse le temps, furetant près des nombreuses piscines naturelles de la région pour dévoiler le rachitique corps adolescent d’Elio face à l’imposante stature athlétique d’Oliver. Entre eux tout commence par une inimité de coq de basse cour mais les barrières s’abaissent au fur et à mesure que la langueur italienne les enserre. Le rapprochement se fait subrepticement, chacun semblant officiellement se lier avec des jeunes italiennes à la faveur de soirées où les corps s’offrent dans le spectacle de la danse et du divertissement. Que le scénario soit de James Ivory ne surprend pas tant la sensibilité le dispute à la délicatesse, pas de violence dans ce film, juste des doutes et des hésitations.
Un premier amour interdit?
Le film se situe en 1983, les shorts sont courts et les chaussures se portent avec des chaussettes montantes. Tout le monde fume avec naturel et plaisante avec générosité. Le film fait appel aux souvenirs d’adolescence de chaque spectateur, à tous ces moments où il fallait oser et se découvrir pour, peut être, connaitre un moment unique et connu de personne. Pour Elio, ce moment passe par Oliver et il ne sait pas s’il peut, s’il doit. Call me by your name est tout rempli de cet embarras qui débouche sur un torrent de sentiments sous le ciel bleu azur de la campagne italienne. Sa famille parle allemand, français, italien et anglais dans un universalisme culturel qui lui fait abaisser la censure pour peu que l’âme grandisse au contact des expériences. Et quand la musique de Sufjan Stevens conclut le film sur le regard embué de larmes d’un Elio passé à la mode new wave, c’est une évidence pour beaucoup. L’amour pour Oliver l’a fait grandir pour toujours, il ne connaitra plus jamais les joies de l’innocence désincarnée, il est passé à l’âge adulte cynique et calculateur, lui qui s’est livré de toute son âme. Les paroles de son père (toujours impeccable Michael Stuhlbarg) résonneront longtemps aux oreilles des spectateurs. Ce moment vécu n’appartient qu’à lui et c’est à lui de le chérir pour ne jamais l’oublier ni le mettre de côté.
Call me by your name brille par ce processus d’identification avec les 2 jeunes héros qui parcourt tout le film. Chacun aimerait être jeune pour se retrouver perdu et désemparé à nouveau. Reste un film léger comme une plume et lourd comme du plomb, pour ainsi dire rare et magique. Une lucarne ouverte sur une période magique de l’existence, car forcément imparfaite et pourtant tellement séduisante… car il est bon de se retrouver largué parfois.
Été 1983. Elio Perlman, 17 ans, passe ses vacances dans la villa du XVIIe siècle que possède sa famille en Italie, à jouer de la musique classique, à lire et à flirter avec son amie Marzia. Son père, éminent professeur spécialiste de la culture gréco-romaine, et sa mère, traductrice, lui ont donné une excellente éducation, et il est proche de ses parents. Sa sophistication et ses talents intellectuels font d’Elio un jeune homme mûr pour son âge, mais il conserve aussi une certaine innocence, en particulier pour ce qui touche à l’amour. Un jour, Oliver, un séduisant Américain qui prépare son doctorat, vient travailler auprès du père d’Elio. Elio et Oliver vont bientôt découvrir l’éveil du désir, au cours d’un été ensoleillé dans la campagne italienne qui changera leur vie à jamais.
Sortie : le 28 février 2018
Durée : 2h11
Réalisateur : Luca Guadagnino
Avec : Armie Hammer, Timothée Chalamet, Michael Stuhlbarg
Genre : Drame, Romance
Merci pour cette critique fine et sensible sur ce film somptueux et délicat, pudique et qui vous laisse mélancolique et vivant en attente d’un paradis à jamais perdu.